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Serge Fiorio - 1911-2011.
Serge Fiorio - 1911-2011.
  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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Serge Fiorio - 1911-2011.
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15 octobre 2015

De la musique ! (1)

   Serge et la musique !

N'ayant pourtant jamais joué d'aucun instrument, sinon - ce qui l'amusa beaucoup - frappé la grosse caisse dans la fanfare de Taninges, toutes celles et ceux qui l'ont connu, fréquenté, toutes celles et ceux qui sont montés le voir peindre ou ont passé des moments avec lui dans son atelier savent pertinemment combien la musique tenait une place de première force dans sa vie et, du coup, dans son œuvre puisque c'était très souvent en musique qu'il peignait.

Un couple ami des premiers temps d'Harmonia Mundi à St-Michel l'Observatoire me faisait récemment le récit de ce souvenir : Serge leur téléphonait assez souvent pour leur dire, encore tout ému, qu'il venait de goûter un morceau extraordinaire, sur telle radio, à telle heure, mais que l'ayant malheureusement pris en cours de route encore une fois, il n'en avait pas eu les références; à charge alors pour Gérard, par son métier, de les retrouver à sa place et de se débrouiller pour lui en procurer au plus vite le disque, ça pressait absolument !

Quatre saisons Reg IIL'un des Quatre Saisons.

Cette gourmandise de musique - qu'il appréciait en fin gourmet qu'il était - lui procurait des transports d'émotion en haute altitude, tout autant que sa propre peinture et, bien souvent, je l'ai dit, les deux ensemble, en même temps ! Ce qui, par ailleurs, lui provoquait - non en contrepoint mais en revanche - des bonds sur place impressionnants quand un bruit inhabituel, une voix pourtant familière, ou un banal appel téléphonique, le faisait, l'un ou l'autre, promptement redescendre sur terre en catastrophe, stoppant net et quelque peu douloureusement, cette forme de bilocation qui lui était parfaitement coutumière : « Quelle rude secousse ! Bon dieu que j'étais loin une fois encore ! »

Gourmandise d'esthète dont, je crois, il ne faut pas chercher l'origine de la source bien loin : en lui, inscrite tout naturellement dans son code génétique italien. Italie, où, comme on le sait, depuis les temps les plus reculés, de toujours presque, la musique fait partie intégrante d'un art de vivre, d'une tradition; en est, si l'on veut, déjà un levain puissant dans les sonorités et la prononciation, les caractéristiques de la langue elle-même. Dès sa plus tendre enfance, il entendit chanter dans le giron de sa famille puis - ouvrier-carrier dès l'adolescence - il chanta lui-même avec ses compagnons ouvriers de la carrière à ciel ouvert, en chœur, à pleine voix : presque tous étaient italiens. Par la suite, il raconta souvent que, lors de ses séjours chez Giono (autre italien !) du début des années trente, traversant la ville chacun un disque sous le bras, l'écrivain l'entraînait dans son sillage chez une vieille tante habitant du côté de la Luquèce qui possédait un phono (Giono pas encore) en lui disant : « Allez, Serge, viens avec moi, tu vas voir, on va être comme des rois ! » Effectivement : Bach, Haendel, bien d'autres, à mesure, les ravissaient tous les deux, l'un autant que l'autre, à chaque fois.

Après sa mobilisation de 1939 pendant laquelle il fit la bienheureuse et providentielle rencontre de Paul Geniet (dont il fit, très vite, son confident épistolaire sur une dizaines d'années) il écrit souvent à ce dernier pour qu'il s'occupe de lui trouver un phono d'occasion puis des pièces de rechange du côté d'Arles et lui parle de musique et de musiciens qu'il découvre à l'occasion : « Si tu viens, j'ai quelque chose de sublime à te faire écouter ! C'est un Monteverdi de premier ordre que l'on peut désormais entendre grâce à Nadia Boulanger*. »

Page 120, et en date alors du 29 juillet 1949, dans le bulletin numéro 12 de l'Association des Amis de Lucien Jacques (correspondance Lucien Jacques-Alfred Campozet à lire absolument) qui vient tout juste de paraître, Lucien Jacques rend, au passage, compte de l'art de vivre des Fiorio à Montjustin. Art de vivre heureux, malgré la sècheresse financière qui leur est alors coutumière. Il écrit : « Ici, les Fiorio mènent une vie pittoresque et charmante, sans guère plus de soucis que des oiseaux (pour autant que ces derniers en manquent), mais ce qui me fais les comparer aux oiseaux, c'est qu'ils chantent en solo ou en chœur à tout bout de champ.»

Dernièrement, quelqu'un me disait se souvenir d'avoir vu Serge dans les années soixante-dix, les bras grands ouverts devant lui, déclarer à des amis avec qui il se trouvait ce jour-là, face au large paysage, sur la deuxième tour de l'ancien chemin de garde à Montjustin : « Regardez comment ici le paysage se développe, pareil à une fugue de Bach ! » La peinture est musique effectivement; en tout cas elle l'était pleinement pour Serge.

"Mademoiselle

*

Impromptu 16 : Cantate BWV 116...
Nadia Boulanger.
De la musique, suite.
Le goût de la belle musique.
Sur le silence.1
Serge par Sylvie Giono.

 

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