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Serge Fiorio - 1911-2011.
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  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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6 juillet 2023

Pierre Martel et moi par Jean-Yves Royer

Ambé Pèire, 1981-02-15 04072023 (2)   De fotòs onte siáu ambé Pèire, deu n'i aguer de molons. Ai retrobat aquela, datada darrièrs dau quinge de febrier de 1981, mais sensa nom de luec. Me sembla que deviá èsser sus la comuna de Mana ò de Sant-Michèu, en tot cas en Forcauqueirés, mai o podriáu pas afortir. Ara siáu pas capable de te ne'n dire lei circonstàncias, de tant fagueriam de causas ensems...
Sus aquela fotò Pèire parla, e ieu sembla que vèno de parlar, ò que o vau faire. De tot biais l'escoto pas luenh... Mai ei lo fach que baissèsso la tèsta en l'escotent que me fai pensar que siáu per parlar après (lo pus probable), ò que eu aponde quauqua ren a ce que vèno de dire.

   Des photos sur lesquelles je me trouve avec Pierre, il doit y en avoir des tas. J'ai retrouvé celle-ci, datée au dos du quinze février 1981, mais sans nom de lieu. Il me semble que ce devait être sur la commune de Mane ou de St-Michel, sans pouvoir l'assurer, mais c'est en tout cas en pays de Forcalquier. Je ne peux pas t'en préciser les circonstances, tellement nous avons fait de choses ensemble...
Sur cette photo Pierre parle, et il semble que je vienne tout juste de le faire, ou que je m'y apprête. De toute façon, je l'écoute de près... Mais le fait que je baisse la tête en l'écoutant me fait penser que je vais bientôt parler (c'est le plus probable), ou que lui sois en train d'ajouter quelque chose à ce que je viens de déclarer.

 

Pierre et moi…

   En ce temps-là, on parlait dans le pays de Forcalquier d’une figure de légende, dont l’originalité la plus notable consistait à exister vraiment. Il y avait paraît-il un curé, à Simiane, qui passait son temps à se promener dans une vieille Rosengart remplie de cailloux… Personne ne voyait trop pourquoi, mais les personnages pittoresques n’ont jamais manqué dans le coin, et on les regarde souvent avec une certaine sympathie plus ou moins amusée. Après tout, il y avait bien un « carillonneur » à Banon, dont la musique consistait à faire s’entrechoquer des grappes et des chapelets d’objets métalliques divers, relevant le plus souvent de la catégorie des boîtes de conserve vides… Alors pourquoi pas un curé de Simiane trimballant des cailloux ?

   Et puis un jour la légende prit corps, et l’on vit l’abbé en photo sur le journal. Ses cailloux étaient bien là, autour de lui, mais ils grimpaient le long des murs ! Lui posait au milieu de panneaux tapissant les parois de sa cure, sur lesquels étaient fixés, en rangées régulières, des amas d’ammonites, des rafales de bélemnites, des orgues de stalactites… sans compter plein de choses sans -ites que nul n’aurait su identifier. C’est donc avec tout ça qu’il chargeait sa voiture, pour aller en parler partout…

   Et puis un jour, pour y donner quelque conférence, il vint à Forcalquier avec tout son barda, étalé sur des tables dans la salle du Collège ou, posé sur elles, appuyé le long du mur.

   Les fossiles ne m’impressionnèrent pas outre mesure. Ici, il n’y a qu’à se baisser pour en ramasser de toute sorte, et même si l’on y est à court d’ammonites, on se rattrape sur les huîtres, les clovisses, les oursins et les coquilles Saint-Jacques… bref, l’étalage pétrifié de quelque marchand de fruits de mer, du temps où il n’y manquait que les marchands – et leurs clients.

   Par contre les silex taillés me fascinaient. Pointes de flèches ou de lances aux formes variées, couteaux aux multiples facettes, perçoirs et haches polies de toute taille… je n’avais jamais rien vu de tel. Est-ce le fait de savoir que tout ça avait été fabriqué de main d’homme qui m’impressionnait tant ? Probablement…

   Un autre panneau, lui, me faisait rire. L’abbé y avait fixé tous les types d’objets servant à attacher les habits, depuis la fibule romaine pour agrafer les manteaux, jusqu’à une épingle de sûreté, dont l’époque et le lieu de provenance était tout aussi sérieusement mentionné que pour les antiquités dont elle terminait la file. (Quelque chose du genre : Épingle de nourrice, centre ménager de La Simonette, Forcalquier, deuxième moitié du XXe siècle…)

 ***

   Quelques mois plus tard (davantage peut-être ?), je ne sais plus dans quelles circonstances, je faisais partie d’une petite bande de gamins que l’abbé Martel amena à Vachères, pour les initier au ramassage des silex taillés. On y croyait à peine… Le long du plateau des Moulins, il y avait en effet plein de petits bouts de silex. Mais comment reconnaître ceux qui étaient taillés ? Ils n’étaient pas joliment alignés par ordre de grandeur, mais traînaient en vrac, posés dans tous les sens, terreux parmi les cailloutis de toute sorte, là où la végétation maigrichonne laissait apercevoir quelques minuscules clairières. On ramassait donc tous les silex que nous trouvions… Pierre nous avait toutefois conseillé de bien examiner les taupinières, dont les occupantes les sortaient, paraît-il, entre autres occupations. Il nous avait dit aussi qu’on pouvait revenir aussi souvent que l’on voulait, vu qu’à chaque pluie il en sortait de nouveaux…

   Arrivés au bout du plateau, chacun présenta à l’abbé sa poignée de récolte. Rapidement il triait tout, en jetant la plus grande partie, et nous disant de ce qu’il nous laissait : « Ça c’est bon : c’est un couteau. Tu vois ? D’un côté il est lisse, de l’autre il a trois faces… ou deux, ou quatre…  Et ça, c’est un perçoir. Regarde : il a une, deux, trois… sept pointes ! »

   Chacun est rentré chez lui avec ses quelques silex taillés. Moi, j’avais l’impression d’avoir recueilli un trésor…

***

   Les jours passèrent, et je rêvais de ce plateau des Moulins… Mais comment y aller ? L’abbé Martel nous y avait menés une fois, il ne nous y reconduirait certainement pas de sitôt. Et je ne connaissais personne d’assez proche, ayant une voiture, qui aurait pu répondre à une demande aussi saugrenue que d’aller à Vachères ramasser des bouts de silex…

   Et puis il me vint une idée : après tout, si à Vachères ils savaient tailler des silex, il n’y avait aucune raison pour qu’à Forcalquier on soit plus bêtes qu’eux, même si c’était il y a longtemps ! Là, carrément, je sors de chez moi, et je vais dans la campagne, marchant droit devant en regardant par terre.

   La première fois, je trouve quelques bouts de silex qui, après tout, avaient peut-être été taillés… Pas trop bien peut-être, ou alors cassés… Mais bon, je les ramasse. La deuxième fois, je vais un peu plus loin dans la même direction. Et là, dans un champ de lavande abandonné, j’aperçois un silex incontestablement taillé. Pas aussi finement que ceux de Vachères, mais tout aussi bien fait. Après tout, chaque endroit devait avoir son style… Et très vite un autre, un autre encore, un racloir, un couteau, une pointe de flèche… J’en remplis mes poches et rentre chez moi, émerveillé par cette découverte…

   Je ne sais pas combien de fois j’y suis retourné, ajoutant aux silex des morceaux de poteries grossières, noires d’un côté et rouges de l’autre, pleines de petits éclats blancs ; d’autres plus fines, rouges vif et paraissant polies. Et un jour où Pierre revient à Forcalquier, je lui montre fièrement une boîte de chaussures à moitié pleine de mes trésors. Il les contemple avec stupéfaction.

−      Mais où tu as trouvé ça ?

−      À Souyon…

−      C’est où au juste ?

−      Après les Chambarels, le plateau qui suit le Valat, au-dessous des Mourres…

−   Mais ce n’est pas connu comme gisement ! Tu viens de découvrir une station néolithique !

   Pensez si j’étais fier ! Plus encore que lorsque j’avais été reçu premier du canton au certificat d’études… c’est dire !

***

   Il y avait toutefois parmi les silex de Pierre une catégorie dont je n’avais jamais trouvé un seul exemplaire. Il s’agissait de ces superbes haches polies, luisantes comme un métal astiqué, dont il possédait en outre un exemplaire géant. Trouvé par un gamin à Dauphin, qui plus est !... Un jour je lui pose la question :

−     Et comment ça se fait que, moi, j’en trouve pas des haches ?

−    Parce que c’est très rare ! Moi-même j’en ai ramassé trois ou quatre, depuis tout le temps que je regarde par terre… Les autres on me les a données. Quelqu’un qui en trouve une demi-douzaine dans sa vie a une chance extraordinaire !

   Du coup, mes malheureux couteaux et autres ustensiles perdaient pour moi tout intérêt. Je ne pensais plus qu’à ces haches… Mais comment faire ? À ma station, je n’en avais jamais aperçu le moindre éclat. Et puis un jour que j’y pensais encore plus fort que d’habitude, je me dis que c’est toutefois là-bas que j’aurais le plus de chances d’en trouver.

   Me voilà donc parti pour Souyon. Je longe la Maternelle, j’arrive à l’embranchement entre la route du cimetière et le chemin des Moureïsses. Je fais quelques mètres et là, à gauche, à l’endroit où les graviers du bord de la route se mêlent aux graminées du fossé, j’aperçois la hache néolithique de mes rêves. Je la ramasse, la contemple ébloui, la mets dans la poche et rentre chez moi…

20-09-2012

 *

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