5 juillet 2023
Claude-Henri Rocquet. Page 25 du Carnet d'Hermès numero 5 de février 2012
C-H Rocquet lisant un extrait de son Rêver avec Serge Fiorio aux Amis des Arts de Reillanne en juillet 2011.
Seuls les gens du métier ont ce jugement particulier, ce jugement « sensible » ; ils regardent autrement la peinture. On regarde, et on voit : c’est « peint » ou « ce n’est pas peint » ; ce savoir, qui est de l’ordre de la saveur et non de la science, est étroitement lié au sentiment esthétique charnel ; il en est la condition.
Plus tard, j’ai lié amitié avec d’autres peintres que ceux de Bordeaux : James Guitet, Steffens, Claudie Marx… J’évoque certaines de ces rencontres dans ce qui s’est d’abord intitulé Un château sur l’eau verte et s’intitule maintenant Variations sur les couleurs du temps. L’un des derniers textes écrits est un regard, une rêverie, sur la peinture de Serge Fiorio et le récit de la journée passée avec lui, à Montjustin, où vécurent aussi Jean Mogin et Lucienne Desnoues, entre Apt et Manosque.
J’aurais aimé connaître Eugène Leroy.
En écrivant sur Serge Fiorio, il m’est sans doute venu une autre façon d’écrire sur la peinture : plus libre, moins attachée au littéral de la peinture. La liberté d’écrire, devant un tableau réel, comme s’il s’agissait d’une peinture imaginaire. Ne plus jouer, sur l’instrument de la parole, une peinture comme on jouerait une partition, mais être l’instrument de cette peinture : la laisser jouer sur le clavier de votre mémoire, de vos rêves, de vos rêveries. Oui, l’œuvre peinte, visible, posant sur tout votre être ses doigts – comme, sur les cordes d’un violon, les trous d’une flûte, le musicien –, fait surgir de vous, par le moyen d’une parole qui s’invente et vous surprend, vous captive, vous enchante, quelque chose qui est une sorte de poème.
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