Les arlésiens.
C'est au cours de sa mobilisation de 1939, à Bourgoin dans l'Isère, que Serge fit la connaissance d'un certain arlésien nommé Paul Geniet avec qui il noua tout de suite amitié franche et sincère.
Par la suite, Paul et son épouse Yvonne seront pour lui et pour tous les membres de la famille Fiorio des amis intègres et admirables dont la fidélité et les hautes qualités fraternelles ne se démentiront jamais. Ils reposent aujourd'hui tous les deux, côte à côte, dans le même vieux petit cimetière de Montjustin, tout près de Serge, parmi ceux et celles qui formèrent la tribu Fiorio.
Dès leur démobilisation, Serge fit de Paul son correspondant épistolaire privilégié, lui racontant, au fur et à mesure qu'elle se déroulait, l'aventure de sa vie, partageant ses espoirs, ses victoires, et ses défaites aussi ; l'entretenant en direct de réflexions sur son œuvre elle aussi en train de se faire, de croître et d'embellir dans le bon sens des termes ; lui demandant, en outre, mille et un services auxquels Paul, jamais, ne se déroba.
Ces lettres, c'est Yvonne elle-même qui, un beau jour, me les a offertes de grand cœur du vivant de Serge, ayant appris de sa bouche que je commençais à écrire à la fois sur l'homme et sur le peintre : « Je te fais entière confiance pour que désormais ces lettres profitent encore à d'autres ! » m'avait-elle dit. Effectivement, sur toutes les années qu'elles couvrent, elles m'ont jusque-là déjà évidemment beaucoup servi puisqu'elles en sont par nature le plus fiable et le plus précieux des fils conducteurs.
Paul connaissait bien André Bernard parce qu'étant tous deux apparentés à un certain Auguste Larguier dont la grand-mère maternelle d'André était l'épouse et Yvonne Geniet la nièce.
En tous cas, en 1957, c'est par Paul que le jeune André Bernard et — celle qui deviendra son épouse — Josy Andrieu, accompagnés de leur ami commun Lucien Clergue, monteront d'Arles pour un séjour mémorable de trois jours à Montjustin.
Dans sa générosité de cœur et sa vive affection pour eux, les sachant sensibles, capables d'enthousiasme, Paul a tout de suite voulu leur faire connaître ce village alors hors du commun et surtout leur faire partager l'ambiance extraordinaire qui régnait quasi quotidiennement en maître au sein de la famille Fiorio installée là depuis 1947.
Le trio logea à l'entrée du village, face au Luberon, dans la fruste et merveilleuse Pégasière des poètes Lucienne Desnoues et Jean Mogin, à deux pas de la maison-mère ! Trio qui, encore aujourd'hui, garde un grand souvenir plein d'une haute lumière de ces « trois jours de paradis sur terre » où, d'entrée, l'amitié avec les Fiorio se cimenta spontanément d'elle-même comme si tous se connaissaient déjà fraternellement, et depuis toujours !
Paul Geniet. Photo Marcel Coen. Paul fut co-fondateur des Rencontres photographiques d'Arles et l'un des pionniers du Mouvement de la Paix.
Quand, en 1970, André et Josy émirent le vœu d'acheter un terrain dans le pays pour y faire bâtir une maison de vacances, Serge leur proposa spontanément de leur céder l'une de ses propres parcelles, à Montjustin même, sur une colline à l'est, en face du village.
Tout de suite là-dessus, André Bernard fut pressenti pour mettre en ordre et redresser la barre de la trésorerie, laissée en rade, de la souscription du somptueux Giono-Fiorio, un ouvrage pour bibliophiles devant paraître « aux dépends d'un groupe d'amateurs provençaux » et qui fut imprimé à Paris chez Daragnès. Il s'agit de trois des Récits de la demi-brigade ( La Belle Hôtesse, La Nuit de Noël, Le Bal ), illustrés de lithographies du peintre.
Ayant démissionné de sa charge, le précédent gestionnaire de cette luxueuse édition à 250 exemplaires numérotés — un certain Marini — abandonna en même temps son projet d'achat d'une propriété bâtie dans les environs de Reillanne. Les Bernard en furent aussitôt avertis par Serge et décidèrent, eux, de faire aussitôt affaire. C'est ainsi qu'aujourd'hui retirés de leur activités professionnelles — pour André, de son métier de manager d'artistes, et pour Josy, de la chanson française — ils sont avec bonheur installés définitivement sur le flanc d'une colline avec vue panoramique, en grand angulaire, sur un haut lieu de l'histoire de leur vie : Montjustin !
Comme le fit Paul pour eux, ce sont, à leur tour, André et Josy qui firent découvrir Montjustin et partager leur admiration pour la peinture de Serge à la chanteuse américaine Joan Baez qui, en leur compagnie, visita plusieurs fois l'atelier, achetant des œuvres et s'attachant à Serge.
Sur la photo ci-dessus prise à Reillanne en 1978 et signée André Bernard, on reconnaît principalement Paul Geniet, Serge, Joan Baez et Josy Andrieu.
Elle se rendit aussi en visite bien amicale à l'école désaffectée de Montjustin, au sommet du village où, alors retraités, habitaient Paul et Yvonne ; et sur le tableau noir resté en place dans ce qui était autrefois la petite salle de classe, elle dessina à la craie blanche, la caricature de Paul brandissant une pancarte en faveur de la Paix dans le monde.
Elle le dessina en haut des escaliers de la terrasse de plein air, recevant encore une nouvelle fois sa visite,
et fit aussi — ci-dessous — sa propre caricature, toute émue visiblement, lorsque Serge lui offrit généreusement l'une de ses œuvres à emporter chez elle, en Amérique.
Photo Marie-Flore Bernard
Voici, plus de cinquante ans plus tard — vers 2010 — après leur première rencontre — de 1957 — à Montjustin : Josy, Serge, André et Lucien réunis, comme souvent, chez les Bernard à Reillanne.
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Quelques liens :
Sur une photo d'Henri Cartier-Bresson (Yvonne Geniet)
André Bernard In memoriam
Paul Geniet.
Une lettre à l'ami Paul Geniet du 24 octobre 1949
Le pacifisme des Fiorio
Yves Montand à Montjustin
Chanter
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UNE PÉTITION :
http://www.petitions24.net/petition_contre_le_projet_de_gazoduc_eridan