A propos d'un détail du Deuxième portrait de Giono, 1989.
L'un entend plus, l'autre moins, de la puissante mélodie de l'arrière-fond. Beaucoup ne l'entendent plus du tout. Eux sont comme des arbres qui ont oublié leurs racines.
Rainer Maria Rilke.
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Je viens tout juste d'apprendre que, chez Virgile, le mot nimbus désigne un nuage entourant les dieux tandis que, depuis l'enfance, je sais que le nimbe – ou encore auréole – est, dans l'iconographie chrétienne, un disque placé sur la tête des saints, là aussi l'entourant, et qu'il est signe spécifique de la sainteté de tout personnage qui en est doté.
Or, dans son Deuxième portrait de Giono peint – d'après photo pour le visage – en 1989, Serge fait s'inscrire la tête toute entière sur fond – volontairement peint en fonction du volume de celle-ci – d'un nuage blanc cotonneux s'inscrivant lui-même en écran sur la pureté du ciel. Voilà qui, de fait, est une création originale par un heureux discret croisement du nimbus de Virgile avec le nimbe chrétien et redouble donc ici, en douce, mais sans équivoque, un certain sens – sinon un sens certain ! – du sacré.
Deuxième portrait de Giono, huile sur toile, 65x54 cm, 1989.
Nimbus et nimbe n'étant plus du tout, dès lors, distincts l'un de l'autre, mais au contraire indissociables, associés en un "fonctionnement" commun fusionnel, ne faisant plus qu'un en somme, ils apportent une eau des plus précieuses au moulin du peintre dans le but évident de sacraliser l'écrivain en son portrait.
J'imagine volontiers qu'il y a là, par ces moyens excellents mis en œuvre, manifestation et produit de l'inspiration reçue tout d'abord à même le métier. En effet, ce nuage-écran, intermédiaire entre la tête et le ciel, n'est-il pas, en tout premier, une trouvaille technique efficace, en cela porteuse de sens, équivalente, par exemple, à la rime riche de la poésie écrite ?
Le visage étant de carnation très claire, la morphologie de la tête et la qualité du regard s'en trouvent ainsi beaucoup plus lisibles tandis que la présence en figure de proue du modèle en est aussi augmentée en partie, à proportion de ces trois contrastes synergiques par superposition : pour mieux le servir, l'art de peindre s'accorde ici strictement à l'art du portrait.
La sacralisation se poursuit et s'étend au paysage tout en collines (bien autre chose qu'une simple toile de fond !), puisque celles-ci bénéficient aussi, presque toutes, du même traitement par l'effet de petits nuages blancs floconneux les ourlant en un écho visuel très suggestif qui les met ainsi tacitement en résonance spirituelle avec leur chantre en écriture.
L'image d'un berger – personnage sacré s'il en est, sage et visionnaire – se tenant en vigie devant son troupeau paraît aussi s'inviter ici, il me semble, par analogie subliminale entre les dos de collines serrés les uns contre les autres et ceux, similaires – sinon mimétiques – de bêtes en troupeau.
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Marité