Une Neige parmi les Neiges.
Ce Fiorio-là où la terre et le ciel se tiennent, ne font qu'un, est bien particulier, seul et unique en son genre parmi les Neiges.
Pour ce faire, Serge s'est visiblement inspiré de façon très directe d'une photo de Gérull Kardas, photographe allemand, parue en hors-texte dans LesVraies Richesses de Giono en 1936 avec cette phrase tirée, elle, du Chant du monde : « L'hiver au pays Rebeillard était toujours une saison étincelante. »
Les photos de Kardas ont toujours beaucoup parlé à Serge par leurs sujets d'abord et, dans la foulée, inséparable, par leur ambiance à cheval — si je puis écrire ! — sur la réalité, le rêve et la poésie. Étant né en 1959, le propriétaire du tableau déclare avoir toujours vu l'œuvre chez lui, « dans la maison ». C'est pourquoi il estime que la toile doit dater de 1960, ce qui semble fort plausible si on l'examine en regard de la nouvelle liberté de facture, faisant référence, dont témoignent tous les Fiorio à partir de cette année-là.
Serge aimait sacrifier de son temps de travail pour aller se promener l'hiver par temps de neige en pleine nature, silencieux et solitaire, bien emmitouflé dans une longue pélerine sous un grand parapluie d'escouade. Ce lui était, délectable pour l'esprit, un vrai voyage au cours duquel, tous les sens en éveil, il se coulait dans l'ambiance si particulière au cœur de laquelle, comme une lucarne, ouvre sa toile.
Cette Neige, où la neige elle-même efface toute frontière, est d'une certaine façon, en regard de toutes les autres, beaucoup plus réaliste ; la stylisation y étant peu prononcée, sans doute dans le but de rester délibérément fidèle le plus possible au ressenti du photographe : sorte de franche approbation à son endroit et sans doute plus que cela encore, véritable hommage par œuvre interposée !
Comme sur la photo, la profondeur de champ ne va pas au-delà du premier plan où la netteté des végétaux et de la neige elle-même diminue peu à peu en allant vers la toile de fond sans plus de repères, ineffable ; où, en grande partie par le jeu du contraste, le regard est invité à se perdre soudain dans un au-delà que l'on ne peut que seulement imaginer et qui est peut-être de l'ordre des limbes ou du désert.
Mon sentiment général est que derrière une certaine austérité qui n'est rien qu'apparente, cette toile se révèle être en ses profondeurs un grand morceau d'une musique douce et allègre. Vivaldi, par exemple.
Après avoir rédigé ce billet, je viens de retrouver l'image d'une autre toile, sœur jumelle, nouvelle version beaucoup plus lumineuse, de celle que, jusque-là, je croyais unique dans l'œuvre. La voici donc, ci-sessous.
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