En ce moment au musée de Forcalquier.
Chaque chose vient à son heure, paraît-il. Il en est en tout cas vraiment ainsi pour cette heureuse, bienheureuse, initiative pleine de sens venue de bénévoles, qui est celle de cette exposition Fiorio marquant le dixième anniversaire du "départ" de Serge pour l'autre rive.
D'autant que, depuis le printemps 1947, date de l'installation définitive de la tribu Fiorio au minuscule village de Montjustin, le vaste pays de Forcalquier - montagne de Lure toute entière bien sûr y comprise - sera et restera pour Serge, sans discontinuer, l'un des deux hauts lieux de prédilection de sa peinture ; l'autre, voisin, et son jumeau par bien des côtés, étant bien entendu le pays du Luberon.
Rappelant en cela la frappante particularité du géant Antée qui, au besoin, retrouvait immédiatement force et énergie au moindre contact avec Gaïa, sa mère, Serge écrivait : « Si l'on me demandait ce qui a le plus compté pour moi dans ma vie, je répondrais volontiers : me sentir près de la terre. » Ajoutant encore, plus précisément au sujet de la Haute-Provence elle-même : « Si un jour je me sentais à vide, je sais que je n'aurais qu'à parcourir un tant soit peu ce beau pays pour me retrouver de nouveau mis en appétit pour me remettre à peindre. »
C'est que, pouvoir œuvrer ici, sous ce ciel, dans cette extraordinaire lumière haute-provençale dont les multiples subtiles qualités intrinsèques comblèrent tout à fait sa haute sensibilité d'artiste, ne concrétisa pas pour lui le simple accomplissement d'un projet parmi tant d'autres mais, bien plus profondément, la réalisation d'un vœu intérieur au sortir de la guerre.
Évènement marquant dont il témoignera en une phrase assez explicite : « En m'installant à Montjustin, j'avais la certitude très forte de prendre là un chemin dont je ne devierai plus. »
Sa peinture continuant d'être en effet, de toute évidence, à la fois et à mesure le miroir fidèle comme le journal de bord idéal d'une vie bien remplie.
Mais qu'en est-il aujourd'hui de cet œuvre peint définitivement accompli ? Comment sonne et résonne-t-il au sein de notre monde en proie à de violentes dérives de toutes sortes, en même temps qu'extrêmement dysharmonique ? Serge lui-même, curieux encore et toujours, grave, certes, mais pas du tout triste en sa fin de vie, s'était lui aussi directement posé à sa façon ce même genre d'interrogation panoramique en s'exprimant à ce moment-là, je m'en souviens, d'un filet de voix chuchotant, tout juste encore audible : « Je ne sais ce que tout cela va maintenant devenir. »
Je crois que cette peinture continue sa vie, tout simplement ; de temps en temps, sans prévenir, des planètes s'alignent à son horizon et c'est alors, comme par enchantement, qu'à ce moment-là une autre nouvelle expo a lieu, nous arrive !
C'est heureux, cette fois à Forcalquier où - pourtant, depuis le temps ! - il n'y en avait encore jamais eu !
L'exposition est ouverte le lundi de 11h à 13H et de 15h 30 à 18h 30.
Les autres jours de 15H30 à 18H30, sauf le week-end.
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Dans le miroir des jours vient de paraître !
Cinq citations de Patrick Ciuti à l'actuelle exposition Fiorio de Forcalquier.