Serge Bec parti et toujours présent par André-Pierre Fulconis
Mon cher Dédé, ne voulant pas parler de notre Ami Serge en son absence, même si l’un et l’autre nous aurions bien du Bien à dire de lui pour avoir eu la chance de le connaître, voici des passages de mes publications qu’il a pu contrôler ou même écrire lui même.
« C’est durant un aller à mon PC de Céreste [écrit Char le 12 décembre 1944 dans la préface de la première édition des poèmes de R. Bernard], chargé d’une mission de liaison, qu’il tombe aux mains des Allemands, le matin du 22 juin 1944. Il a juste le temps d’avaler le message dont il est porteur ».
Un colt est découvert dans son sac. Conduit à la gendarmerie de Céreste (où les gendarmes de la brigade qui aidaient les Résistants sont en cette circonstance impuissants), malmené, il ne parle pas. On l’embarque dans un camion qui, par la nationale 100, part vers Apt.
« Ce qui se passa dans le camion, personne ne le saura jamais. On s’arrêta devant la maisonnette de garde-barrière faisant face à la route qui monte à Viens, on le fit descendre, on l’accompagna sur une centaine de mètres et on l’abattit. Une stèle a été érigée à l’endroit où Roger Bernard est tombé.
Il y a quelques années, un Allemand a demandé et obtenu l’autorisation d’ajouter les mots suivants au bas de la stèle : Roger Bernard. À sa mémoire. La douleur d’un Allemand. Cet homme s’appelle Curt Ochwadt, professeur ethnologue, il a écrit une étude sur René Char. Comme l’a dit René Manuel, de l’AS et de la SAP, à Céreste, « Ce geste est poignant. Je suis moi aussi ému et reconnaissant envers cet Allemand ».
« Poignant hommage de ce philosophe, ami de René Char. Comment ne pas être européen aujourd’hui [Serge Bec, Pays d’Apt, 2004] ».
SAINT PIERRE DE CASTILLON. « Sian aro foro dei mounde que s’avalisson/ partèn mesura l’espaçi/ tout de long dòu camin de Saint Jaume/ avans de mori d’amour [Serge Bec] ».
Nous voici hors des mondes périssables/ nous partons mesurer l’espace/ le long du chemin de Saint Jacques/ avant de mourir d’amour.
Ci dessus extraits du Dictionnaire illustré du village de Provence.
C’est en parfaite communion avec cet esprit que Serge Bec, le grand poète de langue d’oc, a, 129 ans après les fondateurs, bu à la Coupe. Au nom de notre vieille amitié il a bien voulu, le 28 avril 2003, d’Apt, m’écrire son sentiment : « Enfin, j’y ai bu ! Il a fallu que j’arrive à l’âge de 63 ans pour mettre la main et les lèvres sur la Coupo. Non, non ! pas la Coupe du monde de football, mais la fameuse Coupo Santo, qui n’était encore pour moi qu’une Coupo en idèio comme put l’être la Provence pour Mistral. À la Coupo Santo, j’y ai enfin bu lou vin pur de nosti plant, celui bien sûr de la tradition provençale qui est aussi celui de la grande amitié catalane, pour la première fois de ma vie à la fin du banquet de la Santo-Estello du Félibrige qui se déroula à Apt en juin 1996.
Je ne suis pas à proprement parler un homme de la tradition (sauf si, comme disait le poète Saint-Pol Roux : « La tradition a ses fruits dans le passé et ses racines dans l’avenir »), ni un fétichiste des idéologies, des doctrines et des dogmes. Mais, tenant cette Coupe merveilleusement escrincelado par Louis Guillaume Fulconis (je lui sais gré d’avoir représenté Provence et Catalogne par deux femmes !) dans mes mains l’espace de quelques instants, j’ai cru - Vanitas ! vanitas ! me murmurait à l’oreille l’Ecclésiaste - m’accaparer le Saint-Graal et boire le sang du Christ, ce Christ qui s’exprimait en araméen comme je m’exprime en provençal, et en grec comme je le fais en français.
Cette Coupo Santo est devenue dans sa forme matérielle un symbole quasiment mythique et mystique, et dans sa forme écrite et chantée, l’hymne émotionnel des provençaux et leur référence identitaire. Mais dans notre époque où l’identitarisme n’hésite pas à se refermer trop souvent sur lui-même, n’oublions pas que la Coupo a su séduire de nombreux autres peuples conquis par son message d’ouverture au monde et de fraternité ».
Ci dessus extraits du Louis Guillaume Fulconis.
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À consulter :
Texte de Serge Bec.
www.fulconis.com
De quelques moments de poésie et d'amitié partagés avec Serge Bec par Jean-Luc Pouliquen.