Impromptu 18.
Nous sommes le lit d'un ruisseau.
Claude-Henri Rocquet
C'est le chemin qui est, et non le voyageur.
Bouddhisme Zen
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« Je est un autre », écrivit un jour, illuminé, clairvoyant, le jeune Rimbaud à Demeny, son cher professeur. Paradoxe apparent seulement car les diverses formes d'appréhension du moi jouant directement sur la psyché ont effectivement, bel et bien, validé sa déclaration, donné raison à ce fol enfant contre le vieux Descartes.
En peinture aussi, et comment ! Au fil du temps le peintre mue, se change en un autre lui-même selon son vécu et l'évolution variable interne à son art ; ainsi son œuvre se transforme en même temps, à mesure, passant avec lui, sans véritable reniement - les faisant plutôt se "déboîter" tout naturellement l'une de l'autre - d'une période à la suivante.
C'est ce qui, assez fidèlement calqué sur le déroulement du volumen de leur vie, arrive à nombre d'artistes sans qu'ils le recherchent une seule seconde en cours de route, le veuillent un seul instant à chaque carrefour : dès l'événement stupéfiant de la naissance, nous appartenons illico chacun tout entier à la conscience du temps qui, au lieu de passer comme on le croit fort et trop volontiers communément, nous traverse sans cesse de part en part et par là retravaille à chaque instant tout le restant de nos jours, nous faisant vivre plusieurs vies en une seule, au bout du compte. Mais les artistes sans doute encore plus particulièrement, avec plus d'intensité, à cause de leur sensibilité médiumnique souvent hors-norme qui les fait s'exprimer au plus près comme au plus profond et ressentir aussi, tout autant, sinon plus, pour les autres auxquels ils découvrent puis ouvrent ainsi des portes, tracent des pistes, creusent des puits, etc.
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