Dernière page d'Itinéraire. (Dans l'album de 1992.)
De longues marches sur la montagne de Lure et dans le Luberon se prolongent et aboutissent dans sa peinture qui - tour à tour selon les toiles - en recueille l'essentiel, en saisit certains aspects ou en traduit le caractère.
« La Haute-Provence représente pour moi quelque chose qui me tient si fortement à cœur que j'y ai jeté l'ancre il y a quarante-cinq ans pour un amarrage définitif.
Je l'ai découverte en 1931, il y a juste soixante-et-un ans, en hiver. J'ai eu le privilège cette année-là, et souvent par la suite, de séjourner quelques semaines chez Giono. Il aimait beaucoup marcher, moi aussi. Aussi, nous marchions chaque après-midi dans les environs de Manosque.
La marche est le moyen idéal, le plus parfait, pour rencontrer, pénétrer, découvrir, un pays. En quelques jours, j'ai senti, moi qui venait des régions à glaciers et sombres de la Haute-Savoie, que j'avais trouvé là mon pays, au sens que l'on peut donner à son pays natal.
À l'épreuve du temps cela n'a jamais cessé de se renforcer en moi puisque je ne me sens plus aucune attache avec mon lieu de naissance, mais des liens chaque jour plus solides avec cette Haute-Provence. Il s'agit d'un accord profond et impératif par un plaisir constant à tous les niveaux : qualités d'équilibre, des rythmes de couleurs, d'atmosphère et d'esprit.
Cette contrée a le pouvoir d'être belle par tous les temps, grâce à sa luminosité et aux "moments" de sa lumière pendant lesquels tout, parfois, est exalté jusqu'à la transfiguration. Cela nous conduit à son mystère que je ressens de façon très forte, ce qui me porte à la connaître le plus possible et me permet des engrangements féconds que j'essaie de faire passer dans ma peinture.
C'est un contrat d'amour mais c'est moi qui reçois le plus ! »
1977 : décès de la maman, à quatre-vingt-quinze ans. Tristesse à Montjustin où elle incarnait un art de vivre.
1980 : Aldo s'en va lui aussi, précédant de trois ans Paul Geniet.
Pour parer à ces deuils successifs, rendre hommage et rester fidèle, Serge ne quitte guère l'atelier ; il se plonge plus profondément encore en sa peinture que ces chers disparus ont, chacun à sa façon, aidé à voir le jour. Leur tombe véritable, dans le cœur du peintre, se couvre de tableaux.
1983 : Taninges fête le peintre par une rétrospective de son œuvre depuis l'année 1932. Après quoi Serge revient à ses moutons et les peint dans un très musical paysage sur le couvercle d'un clavecin Anselme.
1986 : décès d'un frère spirituel, le poète Jean Mogin, dans l'amitié duquel Serge s'est toujours senti confiant et reconnu.
Photo Pierre Ricou, Montjustin 1992.
Comme il fallut à Vincent l'enivrante et intense lumière, le tempérament de Serge trouve en Haute-Provence sa correspondance réelle et authentique, un pays à sa mesure, possédant tout ce dont il a besoin pour peindre, c'est-à-dire la sainte trinité de l'espace, de la couleur et de la lumière.
On comprend que l'artiste ressente sa condition en ces terres d'élection comme un suprême luxe, une raison supplémentaire de bonheur.
« Quand je peins un paysage, j'ai souvent l'impression que ce pays vient à ma rencontre, qu'il s'accorde à ma disponibilité à le recevoir. »
Peintre de juste équilibre, il révèle en le réinventant, le caractère intime et luxueux de ces terres altières.
À l'automne, quand le soleil se couche dessus La Garde, cette vaste colline animale qui descend jusqu'au Luberon, monte jusqu'au Ventoux, la terre brune des champs, le vert profond des bois, virent ensemble au cuivre pour se noyer dans la plus belle des couleurs peut-être, le bleu.
Le pays glisse doucement dans le monde des ombres, sans heurts, voluptueusement, laissant entrevoir, par éclats, son front déjà trempé de nuit, la plasticité étonnante de son épaule.
Jour après jour, le bel automne se dépouille, jusqu'à se trouver nu : l'hiver s'installe alors au premier plan, la symphonie change d'accent.
Pour cette musique-là, il faut un métier de peintre solide et sûr, mais pour n'importe laquelle des quatre saisons, Serge Fiorio peint debout, chef-d'orchestre devant son pupitre et ses musiciens.
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Traduzione a cura di Agostino Forte :
« Per me l'Alta-Provenza rappresenta qualcosa che mi sta talmente a cuore che quarantacinque anni fa vi gettai l'ancora per il definitivo attracco .
Camminare è il mezzo ideale, il più perfetto, per incontrare, penetrare e scoprire i luoghi. Nel volgere di qualche giorno scoprii (io che venivo dalle bige regioni dei ghiacciai dell'alta Savoia) di aver trovato lì il mio paese, nel senso che si dà al paese natale.
Nel corso del tempo questo sentimento mi si è vieppiù rafforzato, essendosi sciolto in me ogni attaccamento per il luogo della mia nascita e rinforzandosi invece tutta la mia affezione per questa alta Provenza. Si tratta di un accordo profondo e imperativo a causa del perdurare di una contentezza a tutti i livelli: condizioni di stabilità, avvicendamento di colori, atmosfera, spirito.
Questa terra ha la facoltà di essere bella in ogni stagione, grazie alla sua luminosità e ai "momenti" della sua luce durante i quali, talvolta, tutto viene esaltato fino alla trasfigurazione. Questo ci porta al suo mistero che percepisco in modo molto netto, portandomi a conoscerla ancor più consentendomi così un arricchimento che cerco di trasfondere nella mia pittura.
Un amoroso accordo dal quale sono io a ricevere maggiormente! »
1977 : la morte della madre, a 95 anni, soffonde di tristezza Montjustin, dove lei incarnava un'arte del vivere.
Per far fronte a questa successione di lutti, per ricordare e rendere omaggio, Serge decide di restare all'atelier, profondendosi ancor più alacremente nella sua pittura che quei cari scomparsi avevano, ognuno a suo modo, collaborato a far nascere. La loro vera tomba, ch'è nel cuore del pittore, si copre di quadri.
1983 : Taninges festeggia il pittore attraverso una retrospettiva della sua opera fino al 1932. Successivamente Serge ritorna alle sue pecore, dipingendole in salsa musicale sul coperchio superiore di un clavicembalo Anselm.
1986 : scomparsa di un fratello spirituale, il poeta Jean Mogin, nell'amicizia del quale Serge si è sempre sentito onorato e riconoscente.
Così come a Vincent fu necessaria la luce inebriante e intensa, il temperamento di Serge trova in alta Provenza la sua autentica e reale corrispondenza, una terra a sua misura, che possiede tutto ciò che è necessario alla sua pittura ovvero quella santa trinità corrispondente a spazio, colore e luce.
Si comprende come l'artista avverta la propria condizione in queste terre d'elezione come un lusso, una supplementare ragione di felicità.
« Quando dipingo un paesaggio, ho spesso l'impressione che questo paese mi venga incontro, che si accordi alla mia disponibilità nel riceverlo. »
Pittore con il giusto equilibrio, egli riporta, reinventandolo, il carattere intimo e sfarzoso di queste terre fiere.
Il paese scivola gradatamente nel mondo delle ombre, senza scossoni, voluttuosamente, lasciando intravedere, per frammenti, la sua fronte ormai stemperata nella notte, la sorprendente arrendevolezza della sua spalla.
Giorno dopo giorno, il bell'autunno si spoglia fino alla sua nudità: l'inverno insorge allora repentino, la sinfonia cambia d'accento.
Rencontres musicales de Haute-Provence

