Lucienne Desnoues : Les solitaires.

Monsieur l'érudit, monsieur l'érudit,
N'allez pas plus loin, votre heure est venue.

Lucienne Desnoues.

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    À aucun moment, en aucune circonstance des trente-trois années que j'ai connu Lucienne - de l'été 1971 à son décès du 4 août 2004 -, jamais je ne l’ai trouvée banale ou ordinaire tant, englobant son adorable personne, l'habituelle intensité de sa présence au monde était d'emblée réellement frappante, palpable presque physiquement par l'évidente perception de son aura puissante et bénéfique à la vôtre, assez extraordinaire dès qu'elle vous apparaissait où que ce soit en personne.

Le mauvais ou le bon, le mièvre, le puant comme le délicat, l'atroce, un regard, le chant d’un oiseau, le cri désespéré d’une bête, un parfum de plante ou d'au-delà, une forme, une couleur, l’ange qui passe, tout résonnait toujours loin en elle, profondément ; l’impressionnait, voilà le maître-mot, en somme, dans son cas. Et souvent la tenait heureusement ainsi à sa merci par la plume tout le temps d'un poème, celui d'un conte de Noël ou d'une simple lettre amicale, en lesquels elle s'appliquait, prenant soin et plaisir confondus à y être toujours -  au moins autant ! - égale à elle-même, du début à la fin.
En retour, cela aiguisait forcément - mais en douce, un peu comme en fraude - la sensibilité des autres autour d’elle : celles et ceux qui la fréquentaient au quotidien ou bien la rencontraient, la lisaient, pour la toute première fois de leur vie et de la sienne.
Aujourd'hui, qu'elle soit lue ou chantée, sa poésie perpétue encore et toujours ce phénomène, bonifiant l'âme par osmose.

Sensitive à l'extrême, Lucienne vivait ainsi à fleur de peau, les sens en quasi perpétuelle alerte ; tellement avide et curieuse qu'elle était, « gourmande et gourmette » - comme se décrivait Colette - de vie, de sensations. En même temps que soumise à d'implacables rigueurs envers elle-même et livrée à des scrupules alors de toutes sortes envers les autres, les choses et les bêtes ; ce qui participait et donc ressortissait - sans que pourtant il n'y paraisse - d'une rude discipline intérieure dont elle ne s'est jamais départie ; cultivant avec art, de son mieux - en plus de celui sis sous ses fenêtres -, son jardin intérieur pour contrebalancer par là, autant que possible, la souffrance et le tragique auxquels elle eut sa part personnelle en plus d'avoir pris part au fur et à mesure - toujours solidaire - à ceux des autres.

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