Attention libraires !
Il y a longtemps que je voulais mettre un peu les libraires sur la sellette, et puis, une chose l'autre...
J'avais cependant dans ma réserve pour le blog un papier déjà à moitié rédigé.
Mais aujourd'hui, un ami vient de m'envoyer une pétition à signer www.change.org/p/lecteurs-unissons dans laquelle un éditeur fulmine contre les tarifs de la poste concernant les envois de livres ; ce qui, moi, du coup, me relance à propos des libraires, me mettant le pied à l'étrier pour terminer l'article laissé en chemin.
Les façons de faire de ces derniers et leur éthique étant, on va le voir, à revoir, elles ne sont toutefois pas à l'ordre du jour de la pétition qui est uniquement ciblée vers l'extérieur du monde du livre : les services postaux.
Mais je peux témoigner de certaines pratiques internes puisque j'y ai personnellement eu affaire lors de la sortie de Pour saluer Fiorio puis encore pour celle - c'est pas vieux, en 2015 - d'Habemus Fiorio !, ouvrages pour lesquels je suis à la fois auteur et tout petit éditeur.
C'est que je n'ai jamais pu leur en confier un seul exemplaire à vendre parce que, à quatre ans de distance, les libraires demandaient, certes, non pas plus, mais toujours autant : minimum 35 pour cent du prix du livre ; cela culminant, chez certains ayant pignon sur rue, jusqu'à 50 pour cent ! Et, n'en ayant pas, depuis, démordu, il en est encore et toujours ainsi aujourd'hui.
En dehors de laquelle cet album a donc simplement été vendu de bouche à oreille, si je puis écrire, par correspondance, et surtout chez Serge qui en avait constamment une pile en dépôt, ce qui est bien normal. Les 3.000 exemplaires n'ont pas été écoulés autrement.
Il n'y a pas chez ce genre de petits - ou plus gros - commerçants pur jus de différence faite, question ponction, entre un livre paru chez un grand éditeur à 40.000 et une petite édition, quasi confidentielle donc, à 1.000 exemplaires par exemple. Le rapport équitable n'étant pas respecté, leur tarif reste identique qu'on soit fourmi ou mastodonte. Dans le cas, contrairement au sens habituel de l'expression, « deux poids deux mesures » serait pourtant le plus adapté, et surtout le plus juste.
C'est pourquoi, quand désormais il arrive qu'une librairie me demande encore de la fournir, je réponds toujours, pour rester poli : « Désolé, mais je n'ai pas les moyens de m'offrir les services des libraires ! ». Ce qui est vrai.
N'empêche, devant ce refus d'obtempérer, l'un d'entre eux de par ici m'a même insulté puis ensuite méchamment raccroché le téléphone au nez. Drôle de pratiques ! À quand l'intimidation plus directe ? Et cela, dans mon cas, pour seulement quelques malheureux bouquins !
Les libraires de tout poil et les grands éditeurs sont du même bois : ils étranglent auteurs et petits éditeurs avec la même force, tant qu'ils peuvent. Et quand on parle dans les journaux de leur "partenariat" dans telle ou telle manifestation littéraire, il ne faut pas se leurrer, celui-ci se réduit à des stands de vente avec marges bénéficiaires maximum à la clef. À strictement rien d'autre, cela n'est pas assez connu. D'où, en pure réaction de survie, une recrudescence, une vague énorme, déferlante, d'auto-éditions et d'auto-distributions ! Mais du coup, que de temps perdu pour la création !
De tout cela, la faute à qui ? La faute en haut, certainement pas tout en bas, dans l'échelle imposante (et pourrie) du monde du livre.
Qu'on ne me parle pas, non plus, de passion professionnelle. Seul l'argent règne en maître dans les boutiques, camouflé (à peine !) sous des sourires commerciaux.
Une amie écrivain me confiait encore tout récemment : Des libraires passionnés me téléphonent d'un peu partout pour m'inviter à aller faire chez eux des signatures ! Alors, que veux-tu, j'y vais !
- Le singe savant devant leur boutique, tu veux dire ! Rien d'autre ne les intéresse, ma pauvre, que le nombre de livres vendus à la fin de la matinée. La qualité de tes livres, figure-toi qu'ils s'en contrefoutent. La preuve c'est que demain, après toi, un nul de chez nul, puis un autre encore, prendra ta place sur la petite chaise pliante devant la table de camping parce qu'ils sont à la mode et donc se vendent bien. Ne me parle donc pas de passion je t'en prie, sinon, dans le cas, sonnante et trébuchante !
Elle n'en revenait pas, outrée de ce qu'elle a appelé mon « parti-pris » !
Je connais aussi un pays (ceci dans le genre Lettres persanes) où est organisé chaque année un Salon du livre. J'ai voulu y participer. On m'y a tout de suite accueilli à bras ouverts, jusqu'à ce qu'ils se referment aussi vite... sur un refus catégorique. C'est que je voulais, en (presque) toute innocence à l'époque, mais en toute logique aussi, venir y vendre moi-même mes deux livres. Quoi de plus normal ? Mais, mal m'en avait pris : le Salon du livre étant en réalité... le Salon des libraires ! Il fallait obligatoirement passer sans faire de bruit sous les fourches caudines de leur - ah, le(s) sens des mots ! - "partenariat", déjà cité plus haut. Ce mot de partenariat est très à la mode dans les milieux du livre : c'est-à-dire que vous venez installer et tenir le stand, parler au public, etc, et le libraire dont vous êtes devenu la bonne à tout faire, s'octroie, lui, sans sourciller, à chaque fois, ce qu'il a décidé, tout seul comme un grand, qui lui revenait sur vos ventes.
J'ai discuté un moment dans la rue avec une jeune femme qui y distribuait des flyers annonçant ce Salon. Elle me disait faire partie d'une association de lecteurs mais ne savait pas qu'elle travaillait, en fait, gratos pour les deux libraires de la ville qui - ce jour-là étant une trêve, un cessez-le-feu - ne se tiraient plus dans les pattes comme d'habitude, mais, bien soudés, faisaient bloc. J'ai finalement trouvé l'adresse électronique de la bibliothèque municipale soi-disant organisatrice de l'évènement pour défendre mon cas. Bien sûr mon mail est toujours resté sans réponse. Au téléphone ce n'était pas mieux, on connaît la musique : je ne tombais jamais sur la bonne personne pouvant me renseigner.
Aussi, une chose après l'autre et allant dans un certain sens : je signerai, et alors très volontiers, plutôt deux fois qu'une, cette pétition concernant les tarifs postaux uniquement quand les libraires et les éditeurs se seront d'abord décidés à balayer proprement devant le pas de leur porte : « La sincérité qui ne coûte rien, ne vaut rien » écrivait Lanza del Vasto dans Principes et préceptes du retour à l'évidence CCXLI. Je crois qu'il avait raison.
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Prix du livre, etc.
Billet d'humeur
Billet d'humeur à propos du livre.
Prix Jean Giono.
Commissaires et compagnie. Billet d'humeur.
Billet d'humeur : L'affreuse crème !
Billet jaune.
Haut-le-cœur !
Le billet d'humeur de Philippe Courbon.
Billet d'humeur par Dominique Bal.
Mais tant pis pour moi ! Billet d'humeur camusienne.
Écriture inclusive. Un billet d'humeur.
Une suite au billet d'humeur du 9.XII. 2017 sur l'écriture inclusive.