Certaines personnes avaient acquis le bon réflexe de ramener leur Fiorio plus ou moins endommagé à Serge pour qu'il y répare un malheureux accroc, abolisse une distension de toile, ou encore, que sais-je, restaure avec l'art qui était le sien, un éclat, lave et rafraîchisse l'œuvre tout en la protégeant pour trois ou quatre ans par l'application, au passage, d'une fine couche de vernis à retoucher, etc. Je peux en témoigner en toute connaissance de cause puisque Serge me confiais fréquemment certains soins de nettoyage et de préparation avant que lui n'agisse.
Mais, pour cela aussi, Serge n'est plus là...Et certains Fiorio en souffrent !
Pour preuve ce cri poussé dernièrement par un acquéreur à la réception de son Serge déniché en salle des ventes : « Je ne comprendrai jamais pourquoi la majorité des gens considèrent un tableau à l'identique d'un bibelot, d'une céramique ou de je ne sais quoi. Un tableau, c'est fragile, c'est vivant. Des soins sont nécessaires ».
Et, l'ayant confié à son restaurateur favori en qui il a totale confiance, il affirme : « L'état général est très sale : couche de poussière accumulée au fil des ans, surtout sur toute une moitié du tableau, masses de brouillard gris-blanc qui se sont déposées sur les formes et les couleurs - sans doute est-ce là le résultat du développement d'une colonie de champignons dû à une atmosphère humide. Du coup, l'ensemble est très terne. Il aura fallu un sacré projecteur pour fournir la photo du catalogue ! Beaucoup de chocs sur tout le périmètre, peut-être jamais protégé par un cadre, nombreux éclats de peinture à différents endroits, gonflement de l'isorel sur l'angle droit, en bas, à droite, ce qui pourrait, à la longue, entrainer un émiettement de la matière comme s'il s'agissait de carton. Il va être procédé à l'injection d'une résine et à la mise sous presse pour solidifier l'isorel et planifier la surface. Puis ce sera du vernis mat, très léger ».
Le témoignage est éloquent, vaut la peine d'être retenu en tant que leçon !
Oui, tout cela est plus que regrettable, désolant, et aussi, à divers degrés très différents, passablement fréquent sur les Fiorio anciens, ceux peints sur bois ou sur isorel. Ce genre d'avarie n'arrivant par contre que de façon très exceptionnelle - à ma connaissance en tout cas - quand Serge a peint sur toile, on peut donc se demander si la qualité des couleurs alors employées en ces années-là (en gros avant 1960) n'est pas suspecte. Ce qui ne change rien, me direz-vous au problème d'aujourd'hui : c'est sûr que la plupart des amateurs n'ont pas tous bien conscience de la nature d'un tableau, de ce qu'est véritablement une œuvre d'art; et encore bien moins de leur entière responsabilité à son égard, surtout dans la conduite de son entretien pour que, le jour venu, il soit transmis dans le meilleur état de conservation possible : un tableau à la maison, c'est avoir charge d'âme, rien de moins ! Mais exposé dans de bonnes conditions, "surveillé", il ne génère pas de frais. Faut avoir l'œil dessus, dans les deux sens du terme, un point c'est tout ! Alors, c'est gagnant-gagnant !
Et c'est grave que certains ne soient pas, dans le cas, à la hauteur de ce qu'ils se contentent de possèder mais qui, au fond, par sa nature - pour moitié "surnaturelle" d'ailleurs - est pourtant bel et bien, au minimum, patrimonial !
On ne peut donc que vivement conseiller aux propriétaires de tableaux - quels qu'en soient les auteurs - de "se rapprocher " comme on aime à dire aujourd'hui, de gens de métier comme le très qualifié restaurateur Alain Montoir s'il y a déjà des dégâts visibles, mais également sans attendre qu'il y en ait - ou sans les voir ! - pour une auscultation, un diagnostic, un simple entretien préventif peu coûteux, comme il est pratiqué pour la bonne santé des personnes d'un certain âge par le biais du bilan médical. Le fin du fin et le plus efficace étant de prendre tout simplement conscience qu'un tableau n'est rien d'autre, comme il est dit plus haut, qu'un être vivant à part entière !
Je me dis que, par cette dernière acquisition, cet amateur de Fiorio ne se doutait certainement pas de faire en même temps, à ce point, ce qu'il faut bien appeler un authentique sauvetage car, laissé encore un peu livré à lui-même entre des mains aussi négligeantes que celles entre lesquelles de toute évidence il a avant tout survécu, ce tableau était définitivement perdu pour tout le monde.
Son mérite, issu de sa belle et forte passion pour la peinture, l'inscrit en tout premier sur la liste de celles et ceux méritant justement d'acquérir encore de bien nombreuses autres œuvres, n'est-ce pas ! Chez lui, elles seront préservées, à l'abri, valorisées pour ce qu'elle sont exactement. Et pour ce qui est des Fiorio en particulier, gageons que d'En-haut Serge veille au grain, sans aucun doute !
Ci-dessous, quelques exemples de ravages possibles (éclats, moisisures, champignons) en contre-exemple total de ce que j'écrivais à peine plus haut, puisque photographiés là sur une œuvre peinte sur toile dans les années 80.
en faveur des correcteurs dans le monde féroce de l'édition.