Tribune libre par Dominique Bal.
DÉMOCRATIE ? DÉMOCRASSIE ?
Paris, capitale hégémonique d'un petit pays centralisé à la jacobine, soit un lieu de foire d'empoigne où se concentre tous les pouvoirs. C'est effectivement dans cette mégapole que siège, entre autre, l’État, son gouvernement, ses Élysées, ses pompes et ses œuvres.
Sous l’œil goguenard de la « Phynance », la caste politico-médiatique, quelque peu déracinée du réel, s'agite et fait des bulles dans son bocal, nageant confortablement sous les lustres flamboyants, les ors somptueux et le luxe grandiose des largesses munificentes de la République.
Cette élite nationale joue en boucle et en circuit fermé, mais à grand renfort de sono, une dramaturgie soft où l'acteur principal, dans le rôle du peuple, est malheureusement absent, ignoré voire exclu, mais plus que jamais proclamé « Souverain » !
En effet, l'Oligarchie régnante en France – 5 ou 6 familles idéologiques - est tenue de sonner de temps en temps un appel aux urnes, au peuple, pour se légitimer.
À l'exception de la Presse libre contestataire - les « chiens de garde », sont vite renvoyés à la niche ! - le Chœur médiatique officiel donne alors la réplique aux partis et met en valeur leurs candidats, dans de multiples spectacles électoraux, émissions et « grand'messes » audio-visuelles.
Une fois élus, les principaux candidats, bénéficiant d'immunité, n'ont plus de comptes à rendre ni de promesses à tenir, du moins le temps de leur règne.
La gloire les emportant dans un délire de ventriloques cérébralement engrossés, ce n'est plus eux qui parlent et agissent mais, excusez du peu, la France tout entière ! On se grise ou on se défausse ! Ce sont d'ailleurs toujours les mêmes qui reviennent : ils sortent défenestrés par un mauvais scrutin et entrent à nouveau par la grand porte d'une élection favorable.
La France vit sous ce régime, une démocratie formelle mais, mature et élaborée - la démocratie réelle, directe, étant un idéal théorique, une utopie.
POURTANT :
— Que l'on préfère la quantité à la qualité n'est pas forcément un grand critère d'exigence. À trop grande échelle, les grands sentiments humains, fraternité, solidarité etc, perdent toute réalité concrète, toute crédibilité.
— Que la majeure partie des citoyens soient dans l'impossibilité de faire de la politique faute de moyens financiers et/ou pour des raisons professionnelles – seuls les milliardaires et les fonctionnaires ont le privilège de retrouver leur emploi après avoir effectué un mandat électoral.
— Que les règles du jeu démocratiques soient flouées dés le départ, ne serait-ce qu'avec les votes blancs non décomptés. *
— Que l'on envisage sans honte de rendre le vote obligatoire, au mépris même de l'esprit de liberté qui a institué ce droit.
— Que plus de la moitié de la population s'abstienne de voter sans qu'on en parle, ou presque, est inquiétant. C'est le cas en France en 2015. Cela n'empêche pas sondeurs, commentateurs, spécialistes en tous genres, de continuer à jouer publiquement avec leurs dés pipés - seuls les votants sont considérés comme représentatifs de l'ensemble de l'électorat ! - Débats, analyses, pourcentages etc, sont donc forcément dévoyés !
Curieusement, tout cela ne dérange pas les gardiens du temple « Démocratie », ni leurs groupies, ni évidemment les carriéristes et professionnels qui font de l'imposture leur fond de commerce.
Plus grave, autour de nous, tous les pays dits démocratiques – et presque tous les pays du monde prétendent l'être ! - dissimulent en fait, autocrates, dictateurs, tyrans - souvent monstrueux - et oligarques de tous poils, qui appuient leur légitimité sur des élections truquées, puis sur la force policière et militaire. Bref, on se cache derrière des mots paravents pour satisfaire de multiples et souvent bas appétits - affamés de pouvoirs, de gloire, d'argent... - ainsi que pour duper sciemment, les électeurs manipulés que l'on sollicitera bientôt autoritairement.
Dans le vécu, cela ressemble de plus en plus à une triste parodie de ce que l'on appelle encore Démocratie. J'ai sans doute une trop haute idée, pourtant modestement humaine, de ce qu'elle doit être, mais je n'accepte plus qu'on la travestisse et l'abaisse à ce point.
Ces jeux de guignols ne m'amusent plus ; j'ai vieilli : après ce pénible et lucide constat, par souci d'honnêteté, j'ai décidé de ne plus voter, et je ne suis pas fier d'en être arrivé à le dire, l'écrire, et par conséquent, à le faire.
Je ne crois pas trahir ceux qui, hier, se sont battus pour obtenir ce droit ; j'ai même l'impression de leur rendre hommage en m'abstenant, en refusant de suivre ceux qui sont encore dupés, et surtout ceux qui profitent et offensent leur mémoire en la caricaturant.
Je n'ai jamais hurlé avec les loups ; j'ai longtemps bêlé avec le troupeau ; je ne peux plus.
Dominique Bal
* Dans son roman La lucidité, le Nobel de littérature José Saramago met en scène un pays imaginaire qui, avec 83% de votes blancs, (ici, ils sont décomptés) manifeste son rejet du pouvoir en place. Au lieu d'accepter la sanction populaire, le gouvernement décrète l'état de siège (!) pour des raisons de « sécurité nationale » (?), puis mobilise police militaire et armée « contre l'action de groupes subversifs, anarchistes, anti-républicains, faisant obstacle à l'expression électorale populaire et démocratique... » ! Voilà une attitude et des propos suffisamment malhonnêtes, pour nous paraître plus prés de la réalité que de la fiction !
Dominique est auteur-compositeur-interprète :
1 CD Plain Chant
1 CD Passe et chante le temps
Il a aussi publié deux ouvrages chez Mon petit éditeur :
Chants, récits et propos mêlés
et
Le Balandran

