Le billet de Gérard Allibert.
Les Neiges de Serge et le Bleu du ciel
Tableaux, photos ... et lampe électrique
Longtemps j'ai été aveugle. Ainsi j'ai longtemps cru, parce que l'éclat du blanc me fascinait sans doute (m'éblouissait jusqu'à m'aveugler donc) que les Neiges de Serge étaient parfaitement immaculées. Elles ne le sont pas. Enfin pas toujours.
Très souvent le bleu y affleure. La neige reflète alors avec ravissement ce bleu qui est celui de notre ciel. Et nous le donne à toucher.
Je n'ai pas cherché bien loin la trace de cette offrande, j'en ai pris le détail dans le dernier tableau d'hiver que tu as mis en ligne (à l'heure où j'écris ces quelques mots) ce 14 décembre.
Il y a quelques jours je franchissais le col de Lus la Croix Haute. Je ne passe jamais par là sans songer aux neiges quasi éternelles de Langlois et de M. V, notre proche voisin (enfin pour ceux parfois victimes, dans des espaces clos, de l'ennui des temps infinis).
Je conduisais, c'est Juan Felipe qui a pris cette photo.
Sans aucun filtre évidemment. Sinon celui de la lumière de ce début d'après-midi. Sous les nuages bas (qui cachent aux yeux de tout un chacun le sommeil, également perpétuel à présent, de Marie-Chazottes. Et de Callas-Delphin Jules).
Au second plan, comme dans le tableau de Serge (à moins que ce ne soit le contraire ... et que ce jour-là il ait servi de modèle au décor du monde, ou de ce petit coin où son chant est parfois le brame d'un loup solitaire. Ou amoureux, sinon.) le même coup de Bleu. La même merveille.
Il suffit alors (encore faut-il donc avoir renoncé à son aveuglement de jeune chat encore humide du ventre de sa mère) d'ouvrir grand les yeux.
Et de faire Silance.
(Du nom de cette ferme du Haut-Pays, mêmement abritée des fracas *).
* * *
Ouvrir les yeux. Donner à voir. C'est la grande affaire de la peinture. De celle de Serge en tout cas. C'est aussi celle des photographes. En écrivant les quelques phrases ci-dessus j'ai soudain pensé à cette époque de jeunesse (c'était le début des années 40) durant laquelle Serge exerça un temps le métier de photographe en Haute-Savoie. J'en possède quelques traces. Je me suis dit (il ne me semble pas que cela ait déjà été fait sur ces pages) que c'était peut-être ici l'occasion de donner donc à voir une de ces rares photos. Tirage en noir et blanc évidemment. Le Bleu y est pourtant présent.
Pour l'y apercevoir, il suffit donc de ...
Refuge de Flaine - Haute Savoie - Photo Serge Fiorio - 1942
* * *
Un dernier sortilège ... pour l'heure. Je possède enfin d'une ancienne commande merveilleuse une petite mienne rêverie d'Hiver.
Malgré l'éclat de lapis-lazuli de la voute des cieux j'y ai (également !) longtemps cru que la couche de neige y était d'ivoire pure. Jusqu'au jour (à la nuit plutôt !) où, à la grâce d'une coupure d'électricité, j'ai projeté en passant sur cette toile le faisceau de ma lampe-torche.
Immédiate magie, le bleu était là ! Dans tout son éclat.
Pas vraiment une sous-couche.
La couleur du ciel.
Et celle révélée du derrière-l'air !
G.A.
Les Coteaux
15 décembre 2014
* J'en connais d'autres, semblables, du côté d'Éourres ...


