Texte d'Anatole Jakovsky.
Ce qui frappe d'emblée dans l'œuvre de Serge Fiorio, c'est une certaine tenue, un timbre, pour ne pas dire un ton ; bien mieux, une certaine atmosphère très particulière qui n'est qu'à lui, à lui tout seul, et qui est, somme toute, la marque distinctive de quelques grands peintres naïfs, pas si nombreux que cela, en vérité.
Les autres, malgré leur intérêt évident et leurs mérites respectifs, se contentent le plus souvent de flatter notre œil, si ce n'est éveiller notre curiosité amusée, sans provoquer pour cela d'autres réactions en chaîne, tandis que, chez lui, l'œil est sugjugué presque instantanément par d'autres remous des sens, par d'autres échos, par d'autres vibrations de tout notre être venues d'ailleurs. Tout se passe en effet comme si le tableau n'était pas une fin en soi, mais au contraire, un moyen de nous conduire dans un monde différent, un monde étrangement vivant, secret, chargé de quelque latent et tenace mystère. Il donne tout simplement à voir ce qu'il ressent au contact des êtres et des choses, c'est-à-dire la rosée, les parfums, la tiédeur, la dureté de la pierre, la lumière...
Et c'est au son de vielles à rouet, de citoles, de harpes et de tambours, en compagnie d'une bande de ménestrels et de trouvères, que l'on pénètre petit à petit dans une sorte de paysage fait plutôt pour les romans de chevalerie, où n'importe quelle fenêtre des vallées des Basses-Alpes, tout près de Manosque, brille tel un Graal. Ses portes, jamais fermées, béent et battent sur des intérieurs de légende. Aussi, les paysans de 1968, personnages ordinaires de ses tableaux, prennent comme par enchantement l'aspect des chevaliers de la Table Ronde, ou des quatre fils d'Aymon. Une forte odeur d'humus, de champignons, de la neige fondue et des toisons triangulaires renversées des sapins en émane. Comment ne pas penser aux senteurs aphrodisiaques montant des flancs innombrables de la Déesse-Mère qu'humaient, sinon adoraient nos ancêtres ? Quant à l'air, déjà l'air de la montagne, bien sûr, couleur de colchique, il est rare et grisant, de sorte que, même le clivage du vent est fait de cristaux étincelants et coupants.
Photo Dédé Lombard.
Toujours est-il que cette résurgence soudaine du Moyen-Âge, puis cette reviviscence inattendue de sa poésie sobre, grave, sylvestre et nocturne, ne sont nullement fortuites, loin de là.
Lorsqu'un monde arrive à son terme, il se penche volontiers sur son passé. On essaye de retrouver, alors, la fraîcheur première, l'innocence de l'œil et de la main, bref on s'abreuve, dans la mesure du possible, aux sources mêmes des Paradis et des bonheurs perdus. Or, le phénomène naïf c'est cela. Tout le reste est littérature. C'est pourquoi les naïfs à nous tendent leur main, par dessus tant de siècles, aux primitifs d'autrefois.
Ainsi, je verrais Serge Fiorio du côté d'un Sassetta, un siennois du Quattrocento, un tantinet plus sombre et plus tourmenté, marqué, sans doute, par sa double origine helvète et italienne. ( Là, Jakovsky fait erreur : Serge est bien né en Suisse, mais il n'a pas de double origine. Il est tout entier italien, et même plus précisément piémontais) Sa soif de lumière, d'espace et de clarté, tempérée par un non moins impérieux désir d'aller au fond des choses afin de cerner le visible aussi bien que l'invisible le plus près possible, venant d'un Hans Baldung Grien, par exemple.
Quoi qu'il en soit, je ne peux que saluer bien bas l'œuvre de Serge Fiorio à tous points exemplaire.
Anatole Jakovsky
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Ajout + Fontaine je ne boirai pas de ton eau.
Une dédicace d'Anatole Jakovsky.
Jakovsky. Bal masqué.
Naïf ?
Le billet de François Mangin-Sintès.
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Anatole Jakovsky : un bessarabien qui a...
Traduction de notre ami Agostino :
Ciò che subito colpisce nell’opera di Serge Fiorio è una certa tenuta, un timbro, un tono; più precisamente ce ne viene una peculiare atmosfera a lui propria, esclusiva, la quale, alla fin fine, è il marchio distintivo di diversi grandi pittori naïfs, anche se poi non così numerosi in verità. Gli altri, malgrado il loro evidente interesse e i rispettivi meriti, si contentano più che altro di lusingare il nostro occhio - quando non svegliare una nostra divertita curiosità, senza peraltro provocare delle altre reazioni a catena mentre, in Fiorio, l’occhio è soggiogato quasi subito da altri tumulti dei sensi, altre eco, altre vibrazioni venute d’altrove a visitare il nostro essere. Tutto succede in effetti come se il quadro non fosse fine a sé stesso ma, al contrario, divenisse un veicolo in grado di condurci in un mondo differente, un mondo straordinariamente vivo, segreto, animato da qualche latente e perdurante mistero. Esso mostra molto semplicemente la sua risonanza al contatto degli esseri e delle cose, come la rugiada, i profumi, il tepore, la consistenza della pietra, la luce …
È al suono di ghironde cìtole arpe tamburi, in compagnia di una banda di menestrelli e trovatori che si penetra poco a poco in una sorta di paesaggio adatto piuttosto ai romanzi cavallereschi, dove una qualsiasi finestra delle Basses-Alpes, vicino a Manosque, rifulge come un Graal. Le sue porte, mai chiuse, spalancano e sbattono su interni da leggenda. Gli stessi personaggi abituali dei suoi quadri, quei contadini del 1968, prendono come per incanto l’aspetto di cavalieri della Tavola Rotonda o dei quattro figli di Aimone*. Ne emana un caratteristico odore di humus, di funghi, di sciogliersi di neve e di abeti dalle triangolari chiome all’insù. Come non riandare col pensiero ai profumi afrodisiaci che salivano dai prosperosi fianchi della Dea Madre che presentivano e adoravano i nostri antenati? Per quanto riguarda l’aria - quell’aria della montagna color del colchico, ovviamente - essa è straordinaria e inebriante, di modo che anche lo stesso sfaldarsi del vento è fatto di scintillanti e taglienti cristalli.
Fatto sta che questa rinascita improvvisa del Medio Evo e poi quella inattesa riviviscenza della sua sobria, solenne, silvestre e notturna poesia non sono fatti fortuiti, al contrario.
Quando un mondo giunge al suo termine si ripiega sovente sul suo passato. Si tenta di ritrovare, allora, la freschezza primigenia, l’innocenza dell’occhio e della mano, insomma ci si disseta, nella misura delle possibilità, alle fonti stesse dei Paradisi e delle felicità perdute. Ora, il fenomeno naïf è proprio questo. Tutto il resto è letteratura. È per questo che dopo tanti secoli i nostri naïfs tendono la loro mano ai primitivi di un tempo.
Così, a fianco di un senese del Quattrocento come il Sassetta vedrei un Serge Fiorio, un tantino più cupo e più tormentato, segnato, senza dubbio, dalla sua doppia origine svizzera e italiana (qui Jakovsky incorre in un’inesattezza: Serge è sì nato in Svizzera, ma non ha una doppia origine in quanto è totalmente italiano e più precisamente piemontese [Ndr]** ). La sua sete di luce, di spazio, di luminosità, temperata da un non meno imperioso desiderio di arrivare al fondo delle cose al fine di circoscrivere più precisamente il visibile come pure l’invisibile mi ricorda, per esempio, un Hans Baldung Grien.
Sia quel che sia non posso che rendere omaggio all’opera di Serge Fiorio, esemplare sotto tutti i punti di vista.
Anatole Jakovsky
*: racconto francese del XIII° secolo noto anche con il titolo di Renaud de Montauban.
**[Ndr] = si riferisce alla precisazione che viene fatta da André Lombard in margine all’affermazione di Anatole Jakovsky.
