D'une boutade d'Alfred Campozet au rire de Serge

15 janvier 2023

« Il est où le peintre niais ? » C'est là ce que demandait tout haut le poète-maçon Alfred Campozet déboulant en trombe, tel matin, chez les Fiorio...

Et c'est, par exemple, en regard de cette image – étonnant memento mori photographique contemporain de sa bien malicieuse question – que l'on pourrait alors encore sérieusement lui répondre ceci, ou à peu près : en dehors des livres, des articles, des catalogues et autres classifications officielles, journalistiques ou plumitives, ce peintre naïf de renom n'était-il pas en réalité tout autre en sa vie comme en son œuvre ?
Inadéquate réputation, en effet ; car croire qu'il a vraiment peint naïvement selon l'esprit, les canons, les lois du genre et du marché, serait alors, assurément, mal le connaître et bien moins encore, hélas, sa peinture.

Il faut savoir que c'est justement Robert Doisneau, l'auteur de ce gravissime Serge-Thanatos aiguiseur de faux, qui présenta ce dernier à son ami Anatole Jakovsky, le pape des Naïfs à l'époque. Lequel, d'enthousiasme, décida de l'ordonner peintre naïf sur-le-champ : capable de figurer parmi, entre autres, les Bauchant, Bombois, Douanier Rousseau, Lefranc, Rabuzin, Ivan et Josip Généralic, Vivin, Séraphine, Rimbert, Lackovic, Grandma Moses ou encore Ligabue, de sa collection personnelle ; l'intégrant dès lors d'office à chacune de ses publications.
Ce qui, il faut le dire, non négligeable en temps de vaches maigres (« La sécheresse financière a tenu bon pendant pas mal d'années » ), mit aussitôt du beurre dans ses épinards, lui permettant ainsi de peindre davantage sans jamais se soucier d'autre chose que de poursuivre sa quête, peintre avant tout : « Toutes les étiquettes qu’on me colle sur le dos, ici ou là, n’ont qu’un seul mérite : me faire rire ! », ou encore, à brûle-pourpoint : « Que diriez-vous, cher Maître, si demain l'un de vos tableaux devait faire son entrée au Louvre ? »
– « Déjà ! » fut sa répartie elle aussi pleine de malice !