Lucienne Desnoues. Toute la pomme de terre. Revue d'histoire de la pharmacie.

25 février 2020

Pour féliciter une maîtresse de maison pour ses pommes de terre sautées, ne lui dites pas « vos pommes de terre m'ont bien plu », mais plutôt « vous m'épatâtes ».

Marc Escayrol, Mots et Grumots.

C'est ce cher Agostino Forte, notre valeureux traducteur pour l'italien, qui, avec son flair habituel, a déniché un article de Pierre Julien paru en 1979 dans la Revue d'histoire de la pharmacie à propos de Toute la pomme de terre. Ce qui me permet aujourd'hui ce petit focus sur cet ouvrage bien original - qui, au départ fut une commande de l'éditeur - où le poète et la terrienne qu'était tout à la fois Lucienne font bien plus que bon ménage pour le plus grand bonheur du lecteur.
Puis, dans le même esprit, encore un autre ouvrage du même genre devait ensuite voir le jour, célébrant et enchantant cette fois l'oignon celui-là. Je sais, pour lui en avoir fourni quelques éléments, que Lucienne en avait déjà rassemblé toute la documentation ; ne lui restait qu'à s'y mettre. Mais je ne sais plus pourquoi, par contre, ce projet-là, hélas, ne prit pas corps finalement. Ce que l'on regrette d'autant plus vivement lorsqu'on a savouré Toute la pomme de terre.

Gloire à la pomme de terre !
Lucienne Desnoues : Toute la pomme de terre. Préface de James de Coquet. Paris, Mercure de France, 1978, in-8°, 302 p.

Les Incas ont doté l'humanité de deux biens plus précieux que l'or : la tomate et la pomme de terre, écrit James de Coquet, en ajoutant que cette dernière mérite particulièrement d'être glorifiée, chantée, encensée. Pour célébrer ce culte, ce n'était pas trop d'une poétesse, issue d'une famille de maraîchers et bruxelloise par mariage. Le volume qu'elle a composé ne saurait en rien prétendre à la nouveauté quant au fond, mais séduit par sa variété et sa fantaisie, par son abondante iconographie aussi et par sa mise en page originale. Si plus de la moitié en est consacrée à l'utilisation alimentaire et gastronomique de la pomme de terre, avec de multiples recettes de cuisine, tous les autres aspects de son histoire et, je dirais, de sa personnalité, n'en sont pas moins traités : son origine et sa conquête de l'univers, ses différentes espèces et leur culture, son rôle dans l'histoire et dans la société (folklore, parémiologie, jeux), etc. Sa place dans le domaine médical a beau être modeste et relever surtout de la diététique, elle n'est pas oubliée. On nous rapelle qu'un pape s'en servit contre la goutte, que John Gerard et Shakespeare la tenaient pour aphrodisiaque, qu'elle a été recommandée comme purgative, cicatrisante, sédative et utilisée contre les escarres, les brûlures, les maux de tête et pour le teint (voir surtout p. 34, 38, 196-201). Et Parmentier ? Une juste place lui est faite, avec un bref résumé de l'ensemble de son œuvre (voir p. 42-3, 44-7, 48-51, 68, 94, 119), et l'on va jusqu'à découvrir à son nom ce curieux anagramme : M. Pain-Terre ! Puisque nous en sommes à l'anecdotique, relevons que, parmi les recettes de cuisine citées, portent son nom une panade, un potage du dimanche, des crêpes, un vol-au-vent, un carré d'agneau, le fameux hachis, un Saint-Pierre et une sole. En conclusion, un ouvrage qui se présente tel un jaillissement où alternent faits historiques et souvenirs personnels de l'auteur, citations littéraires et recettes de cuisine, comptines et joyeusetés diverses dont une extraordinaire série d'anagrammes sur Une pomme de terre, le tout ingénieusement disposé et illustré.

Pierre Julien