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Serge Fiorio - 1911-2011.
Serge Fiorio - 1911-2011.
  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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Serge Fiorio - 1911-2011.
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20 février 2020

Pour la vidéo. 1.

   Depuis que j'ai été récemment sollicité pour participer à une vidéo concernant Serge et son œuvre, il faut croire que mon esprit se trouve désormais en alerte maximum puisque, cette nuit même, j’ai véritablement été réveillé en sursaut par le soudain souci de tout ce qu’il y aurait à ne pas oublier de dire, de mentionner ou de suggérer, l'ajoutant à ce que j'ai déjà écrit (voir Pages connexes en fin d'article) dans Pour saluer Fiorio à propos de La Mort du Camarade résistant. Œuvre réalisée sur panneau de bois pendant la guerre, sans doute la plus riche de sens, également la plus hautement inspirée parmi toutes celles peintes par Serge au cours de sa longue merveilleuse carrière et, de plus, sans conteste, en tout cas à mes yeux, son pur chef-d’œuvre de composition en laquelle métier et inspiration se fondent magistralement l'un dans l'autre, s'épousent.

Sur La Mort du CamaradeNote de la main de Serge.

Aussi, restant allongé dans mon lit, sans lumière, je me suis mis à récapituler de mémoire comme suit, évoquant ainsi peu à peu, d’abord pour moi-même, la genèse de cette œuvre car elle est, déjà sur ce plan initial, empreinte d’un certain prégnant mystère comme aucune autre, il me semble : on sait que les Fiorio ont traversé la guerre à la ferme du Vallon où ils s’étaient très volontairement installés paysans mais qu’ils y ont tout de suite, et cela dans le droit fil de leurs convictions, très activement participé à la Résistance, sans armes certes, en hébergeant et nourrissant des enfants juifs et protégeant des Résistants – cela, il va sans dire, héroïquement, au péril alors quotidien de leur propre vie.
L’œuvre en question est éclose dans l’esprit de Serge, « donnée », « tombée du ciel » sur lui – comme il le disait lui-même - un soir de cette noire période, mais au coin du feu, par la voie d’un récit oral d’un chœur de Résistants, de Camarades – dont, parmi eux, une femme - ayant réellement vécu ensemble la mort silencieuse de l’un des leurs qu’ils avaient découvert à terre, seul, blessé à mort au cœur d’une clairière dans le petit matin.

La Mort du Camarade

Après avoir fait cercle autour de lui afin de l'assister, en prendre soin chacun de son mieux jusqu'à son dernier souffle de vie, et chacun à sa manière – ce que raconte le tableau qui fut dit, raconté, "soufflé" tout entier à Serge avant qu’il ne se mette à le peindre –, le groupe ayant finalement pris bien sûr toutes les dispositions et précautions d'usage se dirigea alors d’un seul pas vers la ferme du Vallon pour y faire entendre et confier leur récit à leur ami Serge, le désignant ainsi pour aède de cette scène qui, à travers le temps, se trouve être une suite, en quelque sorte, au Tres de Mayo de Goya.

« Au fur et à mesure que chacun auprès de moi racontait, chaque personnage prenait dans mon esprit sa place dans la composition qui fut terminée en même temps que le récit » Ne lui restait donc plus qu'à peindre, autrement dit rien d'autre qu'à jouer son propre rôle : immortaliser, dirons-nous, cette Mort du Camarade. S'ajoutant par là, en tant de "scribe" d'abord, mais au-delà, au groupe de camarades-témoins venus raconter. Se faisant, lui, le canal de la voix de tous racontant, peignant au nom de tous une fois pour toutes. C’est que, (on me pardonnera cette embardée en latin que j'aime toujours entendre) : « Quod est inferius est sicut quod est superius. Et quod est supius est sicut quod est inferius ad perpetrada miracula rei unius. Autrement dit : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut : et ce qui est en haut, est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose » selon l’enseignement d’Hermès Trismégiste dans sa fameuse Table d’émeraude. Genre de chose que Serge, le peintre, ne connaissait pas mais - parce que puisant par son art directement à la source - savait, par contre, par cœur, comme d’instinct artistiquement, sans aucun secours : ni de la culture, ni de l’intellect. À ce propos justement, me revient autre chose : un de ces jours mémorables où Andrée-Marie Merle avait à nouveau convié et réuni quelques amis – dont Serge – comme elle le faisait de temps à autre entre les quatre murs de l’unique pièce à vivre du fameux moulin du Contadour, elle lança, claironnant au beau milieu de la conversation qui allait déjà bon train à propos de création artistique : « Mes chers amis, les artistes sont plus qu’eux-mêmes ! » Chacun s’en emparant pour, illico, en faire tout de go ses choux gras en réflexions et partage de commentaires à haute voix.
Peu de temps après, j’en eu une éclatante confirmation venant de la part de Serge lui-même, en aparté, au cours d’une de nos habituelles et rituelles promenades soit apéritives, soit digestives, souvent les deux, qui eurent la plupart du temps lieu sur notre cher et familier chemin des crêtes qui va, surplombant la vallée de l'Aiguebelle sur deux trois kilomètres, tout du long plein sud, du village de Montjustin en direction de celui de Montfuron.
C’est donc sur ce chemin où, il m’en souvient, nous devisions ce jour-là au bon soleil d’hiver, que je m’adressai à lui pour lui faire part d’une chose jusque-là encore jamais formulée clairement entre nous, ni mise en évidence : qu’il allait cependant de soi que sa magistrale Mort du Camarade était, bel et bien rien d’autre en son genre qu’une autre moderne et nouvelle Piéta, unique aussi parmi tant d’autres Descente de Croix.
Alors, à ma soudaine grande stupéfaction face à la sienne que je pus instantanément lire sur son visage incommensurablement étonné, je me rendis compte sur-le-champ que Serge n’en était visiblement pas le moins du monde au courant puisqu’il me sembla carrément et subitement en tomber gravement des nues et peut-être même bien de plus haut que ça encore !
À cette annonce, en effet, il s’était même subitement arrêté de marcher et je me souviens que nous nous assîmes alors sur le parapet en balcon face au Luberon pour en discuter plus à l’aise qu’en marchant de front côté à côte. 

- « Comment ? Mais qu’est-ce que tu me dis là ? »

  Résultat de recherche d'images pour "El tres de mayo"  La Mort du Camarade
Combien de temps, en vérité, sépare ces deux scènes, et donc ces deux toiles à la fois proches parentes et antinomiques ?

Idem quand je lui fis savoir que pour moi cette Mort du Camarade résistant était également, en son genre, une évidente suite immédiate au Tres de Mayo de Goya…La chemise blanche dont chacun des deux peintres a revêtu son héros m'ayant été le premier indice révélateur d'analogie et, finalement, chemin faisant, de la découverte d'une suite logique existant bel et bien, à travers le temps, entre les deux "moments" peints.

Mais comment pouvait-il y avoir eu jusque-là de la part de Serge une telle "inconscience" face à la nature profonde de l’une de ses œuvres majeures et sans doute même la plus haute d’entre elles spirituellement ? Sans explication de sa part, je nous répétais alors deux trois fois à voix haute, comme un mantra, la phrase d’Andrée-Marie Merle en le cas tout à fait véridique, adéquate : « Les artistes sont plus qu'eux-mêmes ! » Ce à quoi l'on pourrait ajouter que c'est à cause, ou plutôt grâce à cela, que les tableaux aussi.

*

Pages connexes.

 

MORT 5

MORT 1

MORT 2

MORT 3

MORT 4

 *
Une autre Mort du Camarade. 

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Commentaires
J
Merci pour cette belle page. Il m'est venu à l'idée que tout être agit à la fois de sa propre volonté (la part consciente) et également à son insu (la part inconsciente). Si l'artiste donne parfois l'impression d'être "plus que lui-même" ainsi que le dit joliment Mme Merle, c'est peut-être parce que ses oeuvres sont mises à la portée de tous les regards et par là étudiables. Alors, on entrevoit des abîmes. Peut-être que de tels abîmes existent dans les plus humbles des actes que chacun entreprend, mais qui, non partagés, non visibles donc non analysables, rejoignent dans l'oubi les sédiments de toutes les activités liées à la vie...
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