Frédéric Richaud : Voir Gandhi vient de paraître.
La raison du voyage, c'est le retour. Ma vie est mon enseignement.
Lanza del Vasto
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Ce qui est passionnant dans Voir Gandhi, c'est de voir Lanza del Vasto agir et réagir dans les questionnements, les joies et les épreuves, c'est cheminer ainsi de près avec lui depuis le début de sa quête jusqu'au débouché, « nel mezzo del cammin », non en son cas sur la « forêt obscure » propre à Dante, mais sur cette lumineuse rencontre providentielle avec - pour lui trait d'union et point d'un juste équilibre entre la terre et le ciel - le Mahatma en personne.
Rencontre majeure qui précisera pour toujours l'orientation du cours de sa vie, en même temps qu'elle imprègnera dès lors à jamais le contenu de son œuvre après que, reconnu et spirituellement adoubé, Lanza ait reçu et intégré son nom indien de baptême. Celui-là qui lui dévoile - la lui signifiant sur-le-champ et une fois pour toutes - la nature de sa mission : Shantidas, qui se traduit par Serviteur de la paix.
Il est en effet étonnant, instructif aussi, d'assister de jour en jour, et tout comme en direct dans les deux cent pages limpides de ce livre, à la lente mais inexorable montée en puissance des capacités intérieures de Lanza del Vasto, de son éveil à lui-même à travers et au moyen de menus faits et gestes du quotidien qui lui tiennent lieu tantôt de perche, de marches d'escaliers, de corde, aussi bien d'échelle ou encore de strapontin, à travers et au moyen aussi des diverses aventures, d'une autre envergure, en lesquelles il s'engage également tout entier, corps et âme, cherchant pendant longtemps désespérément - rien ne luisant dans le lointain - à ne pas faire fausse route. Travaillant donc avec courage et détermination sur lui-même ainsi qu'à travers le simple contact ou la rencontre des autres, Luc Dietrich en particulier.
À ce propos, lequel des deux a-t-il bien pu être, au fond, d'un plus grand secours, d'une plus grande ressource, pour l'autre ? Je crois qu'au plan de relation qui fut le leur la question ne se pose même pas, le vécu de Lanza avec cet être d'exception ayant été un fructueux et mutuel partage faisant, de plus, foisonner la qualité d'être de chacun sans qu'il ne soit jamais question entre eux ni de mesure, de poids, ou bien encore de taille, parce que faisant par là, à ce moment-là, œuvre commune.
L'appren-tissage de la sagesse que Lanza pratique et dont il est tout d'abord friand - on le lit - pour son propre compte, pied à pied avec la vie de tous les jours et qu'il dispensera plus tard avec largesse au sein des communautés de l'Arche ou au cours de conférences "distribuées" ensuite un peu partout de par le vaste monde, il l'a donc intimement expérimenté, et rigoureusement, avant que d'inviter tout un chacun à vivre une telle expérience dont le centre de gravité, l'étoile majeure, est le fameux rappel à soi-même sans cesse réitéré en cours de route, comme le marin fait et refait le point une fois en pleine mer.
Tout ce que, chemin faisant au fil des pages, nous raconte avec minutie Frédéric Richaud de la vie de Lanza del Vasto abolit efficacement la distance entre lui et nous, le rendant davantage familier, engageant, que sage définitif parmi ses pairs. Nous rendant nous, du coup, en retour, plus réceptifs à l'authenticité de ce parcours pourtant bel et bien hors-norme, marqué même, à certains endroits cruciaux, du sceau - il faut bien le dire - du surnaturel. Frédéric Richaud parle de ces phénomènes comme ayant été pour Lanza « de l'ordre de l'initiation et de la transcendance. Une expérience spirituelle intime et indicible, porteuse d'une “ évidence en soi ” qui, par sa fulgurante clarté élimine tout doute et tout atermoiement.»
Parcours avant tout éprouvant, comme il se doit, différenciant : Lanza n'étant, en effet, en rien issu d'une de ces innombrables générations spontanées d'où sortent, bien trop brillants et propres comme des sous neufs, les gourous de tout poil, poids plumes ou poids lourds, et autres illuminés au pire sens de l'adjectif.
Voilà, au contraire, un chemin d'homme qui s'éclaire et s'élargit peu à peu, à force et à mesure que les capacités requises sont éprouvées, validées par le franchissement d'insoupçonnables et subtils rites de passage - ou de croissance si l'on préfère. Il s'agit là, à mes yeux, prédestinée, d'une initiation - non pas sauvage en le cas, mais d'essence chrétienne - vécue au cœur même des petits et grands événements de la vie, jusqu'à la rencontre fatidique de Gandhi qui, par son efficace clairvoyance, en déterminera en grande partie la nature des fruits. Fruits sains et abondants qui pourraient justement constituer le riche sujet d'une suite logique à ce livre : publications littéraires et philosophiques, écrits mystiques, fondation de l'ordre de l'Arche, lutte contre les tortures et pour la paix en Algérie, apologie de la non-violence et de l'écologie, lutte du Larzac, refus en bloc du nucléaire - entre autres ! - et de ses centrales.
En attendant, ce "premier" Lanza nous est sacrément bien raconté, sans à-coups, dans une écriture sans recherches, sans apprêts ni afféteries, mais coulant de source, riche et belle par elle-même, s'accordant par là tout naturellement au sujet.
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Lanza del Vasto. Un article du Provençal en date du 13 mai 1958.
Dietrich-Fiorio.
Luc Dietrich par Frédéric Richaud.
Portrait de Lanza del Vasto (chapitre XII d'Habemus Fiorio !).
Le pacifisme des Fiorio.
L'ami Luc Dietrich.
Amis de Lanza del Vasto et blog Serge Fiorio.
Une lettre du 12 février 1941.
Ô belle à la fontaine.
Le site de l'Association des Amis de Lanza del Vasto.