Impromptu 1
Toute création spirituelle est dépendante de la matière. Sans elle il n'y aurait pas de transmission possible. Dans cette collaboration de la matière avec l'esprit réside le mystère de l'art.
Nicolas Wacker.
En art, le but est mystique et le moyen pour l'atteindre demeure un mystère pour autrui.
Eugène Martel.
Pour pouvoir s'exprimer au mieux, l'artiste doit trouver d'instinct, reconnaître par expérience, et parmi une multitude de moyens, celui qui lui est le plus propice parce qu'en phase authentique avec la nature profonde de son être : selon qu'il est de tempérament lunaire ou solaire, terrestre ou aérien.
Mais pas que, les arcanes de la psychologie et de la sensibilité étant ce qu'elles sont.
Moyen qui lui est propre, dans les deux sens du terme ; et à vrai dire destiné, impliquant support, matières, matériaux et outils particuliers, ainsi que bien d'autres "paramètres" encore puisqu'un aquarelliste, par exemple, ira ou n'ira pas sur le motif, puisqu'un fresquiste ne connaîtra jamais l'espace de l'atelier où trônent côte-à-côte palette et chevalet, etc.
Beaucoup de choses découlent ainsi encore les unes des autres une fois fait ce choix premier primordial qui - tel un rite de différenciation passé avec succès - crée un chemin et pas un autre, insère - quoi qu'il en soit du point de vue des œuvres - dans telle ou telle famille d'esprit via une certaine technique et la façon de faire, de s'y prendre dans l'incontournable et sans pitié lutte-étreinte avec l'ange.
Pour Giotto di Bondone, ce moyen d'élection élu fut la fresque, lointaine descendante des peintures pariétales. Pour Jongkind, l'aquarelle, et la gravure qui est bien un peu son contraire. L'aquarelle gardant chez lui l'ascendance. Il y eut les mystiques peintres de strictes icônes sur panneaux de bois de tilleul. La gouache fait le bonheur de certains, ainsi que le dessin, la gravure sur bois ou sur cuivre. Sans oublier la sculpture en ses diverses formes. J'ai passé le septième art sous silence, la musique, l'écriture... La photo est-elle vraiment un art à part entière ou simple processus d'expression comme peuvent l'être, par exemple, les raffinements culinaires ? Je ne fais que poser la question et préfère sagement, en le citant, y laisser répondre à sa façon Jean-François Jung ... excellent photographe. « Mais au fait, est-ce la photo elle-même que j'aime, alors que s'éloigne l'obsession des appareils ? Ne suis-je pas plutôt amant d'un certain nombre de choses, que j'attouche du paresseux outil du souvenir qu'est l'œil de verre de la photographie ?... Mais que sont toutes ces “choses” : des thèmes, ou des sujets ? J'espère que ce sont des sujets. Le thème est trop artiste. »
Pour bientôt devenir lui-même le juste instrument de son activité créatrice, l'artiste doit d'abord opter intuitivement pour un moyen et authentifier ensuite son choix par la pratique, l'y tremper, celle-là révélant celui-là comme étant, pour lui, le meilleur, le plus efficace. Certes, certains - un Picasso par exemple - touchent à plusieurs techniques avec un égal bonheur, mais ceux-là ne sont pas légion : plutôt géniales exceptions confirmant la règle.
Tout cela est très complexe, sans rien "en dur" ni de définitif. De plus, la connaissance des techniques n'a jamais suffit, seule, d'elle-même, à la réussite du moindre chef-d'œuvre et certains chefs-d'œuvre souffrent, en revanche, de lacunes techniques. Les restaurateurs alors parfois y suppléent.
Ainsi certains - rares heureusement ! - extraordinaires et très mystérieux Fiorio de haute époque ont bleui sous l'effet d'une oxydation des couleurs provoquée par un taux trop élevé d'humidité ambiante trop longtemps subi - et peut-être aussi par un manque ou une mauvaise qualité d'huile ou autre liant - tandis que des Ambrogiani (de la même génération, donc) tombent eux - non en poussière - mais se "décroûtent" sec, comme victimes d'une lèpre, par plaques entières se détachant du support. Cela étant avant tout dû, dans le cas, à la façon de peindre - évidemment trop en épaisseur.
Eugène Martel, lui, souffrit (et son œuvre par voie de conséquence) le martyre autrement : de par son trop grand savoir technique acquis chez Gustave Moreau et au Louvre. C'est catastrophé qu'il revint dare-dare au Revest pour, a-t-il dit lui-même, « essayer de retrouver l'authenticité de mes œuvres de jeunesse » : sauver ainsi en lui ce qui pouvait encore l'être, et l'a été ! Traquant, en maniaque scrupuleux qu'il était, l'instant opportun de la lumière sur les matières et sur les êtres, tout à la fois attentif et à l'écoute aux portes de l'éternité.
Course pathétique contre le temps qui lui restait à vivre et surtout, folle en un certain sens, vu l'incommensurable génie de la peinture qu'il abritait, ou bien plutôt, plus justement, qui l'habitait tout entier depuis le temps béni de sa tendre jeunesse bas-alpine vécue dans la lumière révélatrice de son altier plateau d'Albion natal.
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Quatre liens :
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Impromptu 6
Impromptu 7
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Lucien Jacques : personne sans doute n'aura, au bout du compte, fait autant pour Lucien Jacques que Jacky Michel. Pas même Giono, son plus proche ami !
Ni l'un ni l'autre ne pouvait s'en douter fin des années 50 à Gréoux, quand, sur la fin de ses jours, ayant quitté Montjustin, Lucien entre, on peut le dire, de plain-pied dans une famille de cœur, celle d'Yvon et d'Aimée Michel, les parents de Jacky alors encore ado. Yvon étant le cordonnier de Gréoux.
En 2004, retraite prise, quarante-trois ans donc après le décès du peintre-poète, Jacky crée tout à coup l'Association des Amis de Lucien Jacques (1891-1961) et publie dès lors sans relâche tous les épuisés ainsi que nombre d'inédits d'importance. Il fait plusieurs fois jouer Cendrillon avec succès, confectionne et publie un album d'aquarelles, un autre encore de dessins et de bois gravés. Le dernier né de cette passion admirative n'est rien de moins que le fort volume de l'œuvre poétique complète !
Tout cela, sans compter les expositions et les interventions publiques.
En ce moment Jacky est dans le Grand Est où il a présenté, conférence à l'appui, à St-Mihiel, une nouvelle exposition dans la vaste et lumineuse salle des mariages. Celle-ci se déplacera ensuite à Verdun, puis à Ste-Ménéhould, lieux que Lucien Jacques a connu soldat pendant la guerre de 14.
35° les samiellois souffrent de la chaleur que nous leur avons apportée. Voilà quelques images. Tout va bien. Très bel accueil. Le maire et ses adjoints ont tous assisté à la conférence et les visiteurs passent 30 minutes en moyenne à l'expo. On vous embrasse.
Jacky et Dominique.
On ne peut qu'admirativement saluer tant de travail déjà accompli, de si précieuses mises en valeur et un tel généreux partage ! Tout cela nous restituant bénévolement Lucien Jacques tel qu'en lui-même, en sa vie et en ses œuvres. Une telle entreprise n'est pas si courante !
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Une pétition : servons-le-site-grec-antique-du-boulevard-de-la-corderie-%C3%A0-marseille-france