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Serge Fiorio - 1911-2011.
Serge Fiorio - 1911-2011.
  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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Serge Fiorio - 1911-2011.
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10 décembre 2016

Pour en revenir... par Gérard Dressay.

Cher André,

Pour en revenir à ma lecture du blog, je ne suis toujours pas d’accord avec toi quand tu reconnais dans la peinture de Serge Fiorio des implications religieuses plus ou moins avouées; en revanche, j’y trouve un sens du « sacré » très prégnant, mais je précise que selon moi le sacré est immanent au profane. C'est là une autre façon d’exprimer une idée directement inspirée d’un passage du Pour saluer Fiorio (p. 232) : « L'art de Serge (…) nous libère en quelque sorte de la réalité en la réinventant sous nos yeux à la lumière des grands mystères. »  

En fait, Fiorio nous ramènerait en quelque sorte à l’état d’enfance. (D’où l’absurdité de qualifier son art de « naïf », rien n’étant moins naïf qu’un regard d’enfant. Quoique Stendhal ait affirmé que la naïveté est le sublime de la vie quotidienne, je crois surtout qu’elle est l’apanage de ces crétins d’adultes, acharnés à distinguer le Bien du Mal, le Vrai du Faux, le Ceci du Cela, dans l'espoir spécieux de valider une raison d'être qui fait si souvent défaut...)  

Et c’est à cela que je rattache cette impression d’inquiétante étrangeté, comme dirait Freud, qui émane de nombre de ses œuvres.  

Peut-être est-ce le souvenir d’impressions bien lointaines, occultées mais restées latentes qui m’y incite, mais je dirais que chez le petit enfant la perception de toute chose relève d’une « évidence mystérieuse » ; une anxiété diffuse, la crainte latente d’une menace imprécise et inéluctable, s’y mêle intimement à une sérénité profonde, une quiétude fataliste en quelque sorte. Et une fois qu'on a perdu ce regard sur le monde, sur soi-même, cette qualité d'acceptation de tout ce qui est à portée de notre perception et de tout ce que nous sommes en mesure d’imaginer, cette ingénuité riche des interrogations les plus essentielles et les plus indicibles, on a presque tout perdu.

Manège Picasso

Je crois donc qu'on trouve cette qualité de vision enfantine chez Fiorio, avec toute la gravité que cela représente (voir par exemple le regard totalement absorbé des enfants de l’affiche du Manège – sans parler de ce que peut être celui du gamin qui nous tourne le dos). C’est pourquoi je parle de « sacré » en ce qui concerne sa démarche. Je crois aussi que, si nous y prenons garde, il parvient à nous restituer l’acuité de ce regard, au moins pour un temps.

Détail Nativité H

Tout à fait d'accord avec toi, cher Gérard, sur tout ce que tu écris sur l'enfance et l'esprit d'enfance imprégnant à cœur cette peinture.

Par contre, je dois te dire que ce n'est pas moi qui ai fait de la Nativité un thème à part entière dans la peinture de Serge ! Ce n'est pas moi, non plus, qui l'ai poussé à peindre des Fuite en Égypte et des Adoration des bergers – plusieurs aussi , des Bergers de la nuit de Noël...

Je ne rattache pas pour autant sa peinture à une religion en particulier, mais je ne peux m'empêcher de constater que même au-delà de ces sujets ouvertement religieux (qui n'étaient pas des commandes) sa peinture est plus généralement d'esprit chrétien. Elle l'est peut-être même plus, et plus véritablement, que bien d'autres qui extérieurement y prétendent. Serge lui-même, l'homme sans être catholique ou quoi que ce soit d'autre : « Dieu, je sais pas », disait-il pour résumer son ressenti était en fait très chrétien, d'esprit, et en réalité aussi. C'est en tout cas ce qui me paraît à moi évident avec un recul de maintenant plusieurs années sur quarante de fréquentation et d'amitié. Je ne vais pas t'apprendre qu'on peut très bien être chrétien sans jamais mettre un pied à l'église. Les artistes étant plus qu'eux-mêmes en leurs œuvres - investis, quand ils sont vrais.

Comme en d'autres domaines, il y a des familles d'esprit en peinture dont les artistes ne sont avec plus ou moins de talent que les serviteurs et les exécutants. Et ce sont là des forces réelles qui régissent la marche du monde et que le monde artistique incarne en en devenant, à mesure, le dépositaire. Il y a des œuvres sataniques aussi, et terroristes également, cela ne fait aujourd'hui pour moi aucun doute.

Voilà ce que je vois et ressens, heureux que d'autres, comme toi, voient et ressentent tout aussi sensiblement de façon différente.

 *

Concernant les thèmes que tu évoques, Fuite en Égypte, Adoration des bergers, Bergers de la nuit de Noël, auxquels j’ajoute les Maternités, ce sont là des thèmes picturaux classiques, et il est bien normal que Fiorio, qui est à sa façon un peintre fondamentalement classique, les ait repris à son compte.

Maintenant, je ne néglige pas le fait que les images et les thèmes chrétiens sont solidement ancrés, par la force des choses et de l’histoire, dans la mentalité – et la sentimentalité – occidentale, si bien que chacun de nous, croyant ou non, y est forcément sensible d’une façon ou d’une autre.

On peut d'autre part, et c'est mon cas, être profondément touché par des œuvres commanditées par l'Église ou inspirées par la religion, non seulement en raison de leur éblouissante facture, mais encore pour la poignante émotion qu’elles expriment. Pour autant, cela ne fait pas de moi un croyant.

Et ce que tu qualifies de chrétien, j’appellerais cela une grande et belle humanité.

Mais au total, et pour conclure, ce qui est proprement merveilleux dans cette peinture, c’est que chacun puisse y retrouver ou y découvrir ce qu’il a de plus cher, ce qu’il tient pour le plus authentique en lui comme hors de lui.

Que chacun puisse projeter sur une œuvre ce qui le touche au plus profond de lui est tout simplement à mettre au crédit du peintre; la diversité des réactions qu’elle suscite ajoute encore à sa richesse.

*

Sur le Manège cité : Le Manège admiré par Picasso et Est-ce dans...

***

Et de la part de notre amie Michèle Ducheny :

Bonjour à tous,

Un petit mot collectif pour vous annoncer que la version 2016 de Giono et les peintres est en ligne. Juste à temps ! Peu d’additions cette année. Les notices consacrées à Coubine, à Fiorio et à Rey-Millet ont cependant été complétées, en fonction de découvertes récentes.

Le chapitre consacré aux peintres italiens a été mieux illustré, de manière à évoquer de plus près la conférence en images que Gérard Amaudric et moi avons donnée à Manosque, dans le cadre des Rencontres 2016, avec la participation de Mireille Dubois-Chevalier, sur le voyage de Giono en peinture italienne. Le texte de notre intervention paraîtra dans la Revue Giono 10 au printemps 2017.

Amicalement.

Michèle

 

Article du 7 décembre 2014 : Giono et les peintres. - Serge Fiorio

 

 

 

 

 

 

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