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Serge Fiorio - 1911-2011.
Serge Fiorio - 1911-2011.
  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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Serge Fiorio - 1911-2011.
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20 mai 2016

"Rembobinant" quelque peu...

   Après les enchères qui viennent d'avoir lieu pour les beaux Bûcherons de 1959, je me faisais la réflexion que les tableaux ont, du début de leur conception, des vies décidément bien peu ordinaires. Une fois nés, ils ne cessent de voyager, passant au fil du temps d'une main et d'une maison à une autre, et sont toute leur vie tributaires de l'histoire personnelle mais aussi - alors en dernier ressort, c'est le cas de le dire ! - de la mort pure et simple de leur dernier acquéreur ou héritier en date; faisant de lui, ou d'elle - ce qui, on en conviendra, est une distinction bien plus belle et plus hautement honorifique que le titre, à proprement parler, de propriétaire - un dépositaire-responsable, un tuteur, puis le moment venu, ou décidé, un passeur. L'ennemi juré, à mort - et le plus mortifère entre tous - de l'œuvre d'art restant bien entendu, inverse au musée et à l'exposition temporaire, l'aveugle coffre-fort qui lui est une sorte d'oubliette passagère, sinon de tombe véritable pour des années !

Plus que n'importe où ailleurs, Serge, lui, adorait savoir ses tableaux accrochés tout simplement en bonne place « chez des gens ». Et cela, en rien innocent, correspond aussi, effectivement, en profondeur, s'il l'on y pense, à l'esprit même de sa peinture, va tout droit à sa rencontre et authentifie en même temps combien il était attaché au sens particulier qu'il donnait, d'abord pour lui-même, à son travail en en désignant ainsi très ouvertement sa destination favorite, donc première.

"Rembobinant" quelque peu, je me souviens encore parfaitement, comme si j'y étais, du temps où, à Montjustin, combien toutes et tous, en nombre autour de Serge, nous nous réjouissions tous en chœur quand - cela accompagné à chaque fois d'un tonifiant effet de surprise - Serge vendait l'un de ses tableaux. Dans les années soixante-dix où se situe mon propos, la chose n'était pas pour lui encore si courante qu'elle l'est vite devenue tout de suite après : dès le début, et même déjà un peu plus avant, de la décennie suivante. Aussi, c'était là aussitôt prétexte à la confection, au partage, et à la dégustation conviviale d'une tarte, d'un quatre-quarts, à lever le verre, trinquer, parfois en chansons, avec l'acheteur ou l'acheteuse qui venait, acquis sur commande, découvrir et « récupérer son bien », apportant parfois tout cela, ou à peu près, avec soi, comme pour un pique-nique amical, le tout bien calé et recouvert d'un grand linge blanc dans le coffre de la voiture pour fêter tous ensemble avec le peintre ce qui, des deux côtés, était bel et bien un heureux événement. Pensez donc ! : « Un Fiorio à la maison ! », ce à quoi Serge répliquait, tout humour : « Encore un de débarrassé ! »

Photo S Michel Zanghi

Deux visiteuses passant le seuil de l'atelier. Photo Michel Zanghi.

Sinon, si l'achat s'était spontanément fait à l'atelier, par choix ou par coup de foudre au cours d'une visite, Serge descendait lui-même tout guilleret à la cave, balançant au bout de sa main un panier d'osier ou un cabas de toile où coucher une ou deux bouteilles (d'un délicieux vin muscat le plus souvent) tandis que dans le même temps, Ida, sa sœur, ne se faisait pas prier de se mettre en train pour confectionner une pâtisserie dont, au moment de couper les parts, elle serait tout à l'heure très fière parce qu'entièrement de ses mains - et tout autant de son cœur ! - « fatta in casa ».

Autant dire que la vente d'une peinture ne restait jamais anodine et comptait dans la vie chaleureuse des Fiorio, y avait sa place comme un anniversaire ou n'importe quelle autre heureuse réjouissance collective ponctuant la vie ordinaire qui, au fond, entre nous soit-dit, ne l'était pourtant déjà guère, pas tant que ça, tant le moindre prétexte ou la moindre occasion était bon à rehausser de couleurs et de sens un quotidien, ainsi cuisiné, rarement banal. Ne serait-ce rien que par la présence à l'étage d'un peintre inlassable au travail en son atelier !

Plus que « de la main à la main », les ventes, réceptions ou livraisons de commandes, avaient bien plus souvent lieu plutôt « cœur à cœur » ! Foin, dans l'histoire de Serge avec ses acheteurs, des galeries et des marchands dont, dès qu'il l'a pu, il s'est alors débarrassé dare-dare et, dès lors, toujours tenu loin, faisant délibérément la sourde oreille à leurs demandes, incessantes tout un temps après le succès à chaque fois répété et retentissant de ses grandes expositions européennes des années soixante. Le fin du fin, restant pour lui le troc qu'il ne pratiqua pas assez à son goût, mais néanmoins autant qu'il le pût !

Aujourd'hui, après une si totale dispersion des œuvres, puisque Serge ayant de son vivant vendu tous ses tableaux, n'ayant donc jamais constitué de réserve personnelle, je suis heureux de voir ponctuellement revenir telle ou telle autre œuvre chez des amis ou des connaissances par le biais des ventes volontaires assorties d'enchères comme c'est le plus souvent le cas. Et, ce qui est heureux jusque-là, sans que les prix montent en flèche.

Après m'être réjoui à Montjustin avec les membres de la tribu des départs de tableaux fins prêts comme des bateaux neufs pour la pleine mer, voilà que, de temps en temps, je me réjouis de les voir aujourd'hui "rapatriés" chez des proches, ou pas très loin, dans leur entourage ! Resté comme on le sait attaché à chacun des Fiorio, je suis tout à fait rassuré quand j'apprends que le tableau parle vraiment à la personne, à la famille; c'est là pour moi l'assurance qu'il bénéfieciera d'égards et de soins, en même temps que s'ouvre par là la possibilité que l'œuvre - revenue parfois de loin dans l'espace ou dans le temps, parfois dans les deux - pourra être prêtée volontiers, de bon cœur, pour figurer un jour ou l'autre dans un nouvel ouvrage ou participer à une exposition éventuelle.

 

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Commentaires
S
Bonjour André,<br /> <br /> <br /> <br /> Ce que tu dis ce matin est d'une exactitude de mathématicien mais d'un mathématicien qui sait jouer de l'archet.<br /> <br /> L'aventure continue. N'est-ce pas là le miracle?<br /> <br /> François Mangin-Sintès.
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