Le couvercle de clavecin.
C'est sans doute en amont de l'année 1980 - l'instrument commandé en 1976 a été livré en 1980 à son propriétaire - que Serge reçoit, avec une vive surprise doublée d'un très grand plaisir, une commande peu banale dont la mise en route et la réalisation vont le passionner : la peinture du couvercle d'un clavecin Alain Anselm (« la Rolls en le domaine ! »). Prisant fort la musique comme on le sait, clavecin compris, ce travail le réjouissant d'avance, il n'eut pas de peine à trouver l'inspiration : elle vint naturellement vers lui, à sa rencontre, et de la plus belle des façons : sur son chemin, d'elle-même !
Par contre, ce ne fut pas une mince affaire que la préparation minutieuse de la surface, livrée entoilée : plusieurs couches d'un enduit très spécial furent nécessaires, surépaisseurs et vaguelettes étant absolument proscrites. Chaque fine couche d'enduit, en attendant la suivante, devait être polie avec le plus grand soin au papier de verre très fin et dépoussiérée proprement, à mesure. Une fois prêt à l'emploi, à être peint, vint ensuite l'installation du panneau peu banal sur le chevalet pour en être au besoin descendu pour des temps de séchage des couleurs et alors, pour cela, installé verticalement, appuyé contre un mur, reposant sur une commode dans la pièce voisine qui avait été la chambre des vieux parents.
Serge a toujours grandement apprécié les commandes qui l'obligeaient à plier son art à certaines contraintes inattendues voire insolites, le poussant ainsi à se défier sur un nouveau terrain. Ce fut le cas, et il peignit effectivement ce couvercle de clavecin avec un plaisir de peindre intense, redoublé, qui, loin de s'être perdu, imprègne visiblement l'œuvre pour toujours.
Devant cette lumineuse photo aimablement fournie par le propriétaire-instrumentiste lui-même, saute à l'esprit le fameux souhait de Bonnard connu de tous : « Je voudrais arriver devant les peintres de l'an 2.000 avec des ailes de papillon.» Heureuse coïncidence : certains peintres du XXème justement...
« Le temps n'a point de rives » selon Chagall, et c'est bien vrai en peinture !
De toute évidence je ne me souvenais plus assez précisément de cette grande et haute simplicité, cette mesure, dont Serge, la puisant en lui-même, a ici usé pour accorder son art au "sujet"... musical. Non plus de cette ligne de fuite en courbe de collines se démultipliant vers l'horizon et son au-delà; vers le monde spirituel en somme, dont, par nature profonde, la musique fait au plus haut point partie de la famille.