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Serge Fiorio - 1911-2011.
Serge Fiorio - 1911-2011.
  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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Serge Fiorio - 1911-2011.
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3 avril 2016

Suite de la traduction du texte de Rainer Fabian.

   Serge Fiorio dont l’œuvre artistique a les mêmes racines que les premiers romans de Giono (Trilogie de pan), dut renoncer presque totalement à dessiner et peindre durant ses premières années à Montjustin car, étant donné le grand âge de ses parents, il prit les tâches agricoles en main. Il avait acheté la propriété de Montjustin avec l’aide de son frère Aldo. C’était, comme beaucoup de fermes de Provence, un ensemble de ruines d’un jaune bilieux, abandonné par ses propriétaires, délabré de bout en bout. Serge rebâtit l’ancien hameau, débroussailla et planta, irrigua prairies, verger et champs, acheta un tracteur, fit des emprunts (qu’il peut du reste rembourser aujourd’hui grâce à la vente de ses toiles) auprès d’amis de la Résistance qu’il avait cachés de leur sbires.

   Lorsque ci-dessus nous évoquions le climat sain et régénérateur de Montjustin, c’était surtout à son maître que cela se rapportait. Fiorio accueillit de temps à autres des enfants et adolescents qui avaient besoin d’encadrement pédagogique spécifique, des jeunes difficiles, mélancoliques, inadaptés à l’existence ou d’autres qui avaient des problèmes scolaires et ne progressaient pas réellement, comme Robert qu’il initia au dessin et qui a trouvé paix et contentement à Montjustin. Aujourd’hui la famille Fiorio (Serge, célibataire, et ses parents) sont à la tête d’une impressionnante propriété de 40 hectares de terres fertiles, de vignes, de grandes oliveraies, de quelques cent moutons et volailles de toutes espèces. Aujourd’hui, Serge a réalisé ce qui fait presque exclusivement sa vie ; il peint souvent dix heures dans la journée et un début de reconnaissance le conforte dans sa recherche artistique (l’hiver dernier il exposa ses œuvres pour la seconde fois avec succès à la Galerie du Haut Pavé à Paris, il obtint il y a quelques semaines le Grand prix de Toulon et fera cet automne et cet hiver une exposition à Worspwede (à partir du 2 septembre), à Hambourg, à l’Insel (octobre-novembre) et, pour finir, à Cologne).

   Lorsque nous disions ci-dessus que ce sont des mêmes racines que naissent les œuvres de Giono et Fiorio, cela se rapporte avant tout au modèle réel qu’il s’agit de représenter, au paysage et aux gens des contreforts des préalpes du département des Basses-Alpes. Cela va si loin que les titres des romans de Giono se lisent comme des toiles de Fiorio : Le Grand Troupeau, Regain, Colline, etc. Les deux artistes se distinguent en outre par la force de leur rayonnement personnel qui n’est en rien misanthropique et excentrique comme c’est souvent la conséquence d’un renoncement à la civilisation, renoncement revendiqué et mis à exécution.

   Qui regarde les toiles de Fiorio est tenté au premier abord de le ranger parmi les peintres Naïfs, les Imagiers. Oui, Fiorio "raconte" les plaisirs (joies) du dimanche et des soirées, des récoltes et du brouhaha de la foire avec ses stands de tir et ses manèges. Ses paysages ont ce caractère figé particulier et d’un certain stéréotype dans sa manière de peindre les arbres, toujours semblable, toujours pittoresque, avec des détails conventionnels selon des formules identiques. Oui, chez Fiorio aussi la toile est divisée en surfaces, ce qui crée rarement une profondeur de champ et ne permet, à l’intérieur de chaque surface, ni relief, ni transition, seulement des surfaces rigoureusement délimitées. Dans Triomphe de la vie, Giono parle de l’enchaînement de plaine à plaine par les charnières que sont les haies, les buissons et les vergers, cette particularité provençale pour délimiter les champs. C’est ce qui caractérise les paysages de collines de Fiorio. Son découpage particulier de la toile de bas en haut et non dans une perspective de premier à arrière-plan n’est de même pas dû à un manque de technique mais découle de la direction du regard. Fiorio ne peint pas d’après nature, il peint toujours dans l’atelier dont les fenêtres s’ouvrent profondément sur le paysage et d’où le regard tombe tout d’abord dans la profondeur avant de pouvoir remonter, par petites touches, jusqu’aux hauteurs environnantes des collines des contreforts.

   Certaine particularités caractéristiques du mode de représentation de Fiorio ne sont donc pas imputables à une posture de peintre naïf. Elles traduisent le visage brut de la vie dans la nature provençale. La plupart des naïfs français étaient de petits bourgeois aux âmes pleines de rêveries et de visions fleuries, aveugles au quotidien morose. Repoussés par les nécessités terre-à-terre et creuses, armés de leur boîte de couleurs, ils grimpaient dans leurs tours d’ivoire où ils trouvaient le réconfort de leurs activités créatrices. Le Douanier Rousseau s’évadait des tristes bâtisses parisiennes dans la splendeur fantastique de la jungle que son âme inventait ; aux rares heures que lui laissait son existence misérable, Séraphine Louis, la pieuse femme de ménage, peignait ses visions exaltées, foisonnement floraux incandescents, moitié bêtes, moitié plantes, qu’elle vendait pour une bouchée de pain. Il est inutile d’ajouter des exemples, ils montrent que, dans les œuvres des grands Naïf et "Instinctifs", c’est aussi le spirituel plus que les considérations esthétiques qui prévaut. Ainsi apparurent des allégories, des personnages antiques (André Bauchant), des visions qui se manifestaient toujours à côté de l’univers quotidien ramené à un format de miniature.

   Fiorio est tout différent.

 

NB : suite et fin de la publication programmée pour demain, le 4 avril.

 

 

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