Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Serge Fiorio - 1911-2011.
Serge Fiorio - 1911-2011.
  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Serge Fiorio - 1911-2011.
Newsletter
40 abonnés
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 364 321
8 mars 2016

A propos de certaines Rodomontades de Serge Fiorio par Ismaël.

À propos de certaines Rodomontades de Serge Fiorio

   Hé bien oui, je dois à la vérité de témoigner ici, à cette heure, que notre peintre prétendument sans prétention ni cabotinage ne dédaignait pas de faire, de temps à autres, son Rodomont.

Ou plutôt, racines transalpines obligent, son Rodomonte ... personnage créé par Matteo Maria Boiardo (1440 ou 1441 ... - comme celle de Serge, sa date de naissance nous demeurant assez floue - 1494 ... ce qui, ma gente dame, ne nous rajeunit guère) dans son Orlando innamorato (Dieu, que cette langue est belle !) roman de chevalerie ... et d'amour concomitamment (c'est déjà moins beau que de l'italien) sans l'espoir duquel la chevalerie, les drapeaux et les armures  ... n'est-ce pas ?

Roman auquel le divin Arioste (encore un ancien de l'Ausonie, évidemment) donnera une petite suite rimée (à dire vrai, guère plus de 38 000 vers) dans son Orlando furioso (œuvre patiemment accomplie entre 1516 et 1532).

ORLANDO TUTI DUE

 

Le donne, i cavallier, l’arme, gli amori,

le cortesie, l’audaci imprese io canto,

che furo al tempo che passaro i Mori

d’Africa il mare, e in Francia nocquer tanto ...

 

Je  chante les dames, les chevaliers, les armes, les amours,

les courtoisies, les audacieuses entreprises

qui furent au temps où les Maures passèrent

la mer d’Afrique et firent tant de ravages en France ...

 (Orlando furioso - premiers vers du Chant 1)

...

NEL PROFONDO - Antonio Vivaldi  (extrait de l'Opéra ORLANDO FURIOSO ) -  Illustrations de Gustave Doré.

https://www.youtube.com/watch?v=fGc3gi8VkwA

 

Mais revenons-en à notre faux modeste. Et à son acolyte inspirateur d'il y a quelques sept cents ans (que voulez-vous, chez ces descendants, voire ascendants, de carbonari on se crée sans la moindre vergogne de suspectes connivences par-delà les siècles).

Or Monsieur Ponge (Francis de son prénom celui-ci) nous en apprend, et pour la circonstance nous en dit un peu plus - car il s'agit là de l'extrait du texte d'une conférence - sur les origines du susdit patronyme :

J'étais dans une petite maison en Algérie, dans la campagne, je n'avais pas de dictionnaire. Je laisse mon «rose sacripant» et je vais au dictionnaire plusieurs semaines plus tard. Sacripant : de Sacripante, personnage de l'Arioste, tout comme ... Rodomonte. Rodomonte, qui signifie, « rouge montagne » et qui était Roi d'Alger. Voilà la preuve. Quand on a ça, on est sûr.

C'est une chose qui n'arrive pas toujours, mais je veux dire que le sentiment d'avoir le mot était justifié. Là je savais, je pouvais laisser comme ça (...) J'ai eu raison d'attendre et de refuser des cyclamens et des polissons, des mots, des roses qui étaient presque bien ... mais qui n'étaient pas « rouge montagne » !

(Francis Ponge - La pratique de la littérature - 1956)

On va dès lors pouvoir constater que je ne médis ni n'invente rien (ce n'est certes pas mon genre) : preuve pour preuve, en voici une irréfutable pour tous les disciples de Saint Thomas ... et autres mécréants du trottoir opposé, mais pareillement circonspects !

Rouge montagne 1

 

[Petite didascalie préventive : les paragraphes suivants ne sont pas forcément à prendre avec un trop trop grand sérieux ... ni complètement au pied de la lettre.]

Ce tableau de feu, le grand architecte à l'origine de ces pages (tentative d'ores et déjà ratée d'humour voltairien) l'a déjà présenté (c'était le 12 mars 2014) sous le titre L'arbre rouge. Je ne le nie pas, cette appellation pourrait avoir une certaine logique. Pourquoi pas. Admettons. Peut-être un peu trop cartésienne, néanmoins ...    

Comme je le suggérais récemment à mon ami Jacques, lorsque le sage montre la lune avec son doigt (La lune, à quoi bon ? Depuis Armstrong ne la connaît-on pas parfaitement !) ... il est parfois avisé de jeter un œil à ce que ce brave homme charitable tient à nous cacher de ce qui se passe au même instant juste derrière nous.

Ainsi, sur ce tableau de Serge, et à cause probablement de ce méfiant et atavique point de vue bas-alpin, mon regard s'est quasi instantanément porté sur cette dame qui, sur sa terrasse, nous tourne curieusement le dos et semble contempler cet autre versant du soir qui de la sorte lui fait face.

Déjà elle sait. S'il doit revenir, c'est par là que Perceval reviendra.

Ce cratère en fusion, cet arbre au tronc éclaté, cet arbre de la passion, ne serait-il point alors une vue en coupe de son cœur qui, sous son provençal corsage de madame Bovary, bat trop fortement la chamade* ? 

De fait, Orlando innamorato, pour tout augure que voit-elle ?

« Rodomonte » 

... La montagne rouge !

 

* (Chamade : en piémontais Ciamada; appel)

*  *  *

Mais laissons cette inaccessible quête du Graal aux preux chevaliers d'antan pour évoquer un instant cette autre terrasse où je me tenais, pas plus tard que hier. Quelque peu plus ordinaire (le tombereau bleu au premier plan n'y trouverait pas sa place). Moins romanesque également. À Digne cependant. Immémoriale garnison de province lestée d'arcanes séculaires dont René Frégni vient de dessiner les contours jadis établis, où la psychologie en rajoute à la géographie. (Voire, pays de robines noires soumis à une perpétuelle érosion, la géologie !) :

... Aussi mélancolique que cette ville de Digne qui reste grise même en été. Une ville qui a cru qu'elle appartenait à la montagne, alors qu'elle se dissimule au fond d'une étroite vallée. J'aime bien cette ville qui n'est pas à sa place, ça l'oblige à réfléchir. (1) 

Or, il y a donc à peine une vingtaine d'heures, sur cette avancée possiblement propice à la méditation, face à moi, une autre rodomontade, de toute première catégorie : Le Cousson.

Rouge Cousson 3- mars 2016

 

Pierre Magnan avait pour sa part proclamé un jour que « La  tête de l'Estrop ou le Cheval blanc (étaient ses) Orients » en territoire dignois. Le Cousson, pour les gens qui comme moi ont facilement le mal des sommets, se révèle un amer un peu plus accommodant à apprivoiser.

... Quoique, lorsque comme ici il est rodomonte (ou Rouge-Fiorio si vous préférez) avec au surplus la tête couronnée de blanc, je ne suis pas bien sûr que - de concert avec le peintre de Montjustin - tous deux ne soient pas, certains jours où leur palette se montre particulièrement complice, assez légitimement satisfaits (sans de part et d'autre la moindre prétention, ni le plus petit soupçon de cabotinage !) de ce qu'ils (nous) donnent à voir.

Ou (Ce qui est simplement un autre degré de la vision commune; Parlons en peintre proposait le narrateur d'Un roi sans divertissement) à imaginer ...

Ismaël, mettons.

 

Je me souviens - La ville rouge

 (1)  René Frégni - Je me souviens de tous vos rêves - Gallimard - Février 2016

 (Scrittore rodomonte anche ? le titre de son précédent livre ? Sous la ville rouge !   :-) )

 

 

Un livre édifiant :

Les mirages     Les mirages 2

Clic gauche sur le texte pour une bonne lecture.  

 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
J
Merci à Ismaël de nous régaler dès potron-minet de ses rapprochements audacieux, de sa ponctuation toute en incises et de son humour devant lequel il faut tout de même ne jamais baisser la garde.<br /> <br /> Dans le tableau, sur la droite et bien à l'abri, se trouve une charrette bleue qui me rappelle une lecture faite dans la Drôme l'an passé du beau roman autobiographique éponyme de Barjavel dont je lui conseille vivement la lecture. Il apprendra ainsi, car il est perspicace, ce qu'attend la dame qui nous tourne le dos...
Répondre
Publicité