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Serge Fiorio - 1911-2011.
Serge Fiorio - 1911-2011.
  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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Serge Fiorio - 1911-2011.
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13 décembre 2015

Une autre photo de neige.

   Il s'agit ici d'une photo prise par Serge lui-même au cours d'une randonnée faite en l'heureuse compagnie de ses chers amis Mathilde et Louis Duvillaret. Il va sans dire qu'elle date des années où Serge vivait à Taninges et sans doute plus précisément encore de l'une des années - de 1936 à 1939, date de sa mobilisation - pendant lesquelles il s'était installé photographe au village.

Les Duvillaret formaient une famille au grand cœur, joyeuse et accueillante - deux filles, un garçon; je ne me souviens plus du prénom de l'ainée qui était pianiste, et très douée - avec qui les Fiorio, et encore plus particulièrement Serge, avaient, comme on dit, tout de suite "accroché" parce que vivant loin des préjugés, des idées reçues et des interdits dont était alors le plus souvent victime une bonne partie de la population du village et de la vallée - beaucoup plus libres d'esprit donc, sensibles, et même affectueux.

La maman, dont le fils Louis (Grand Jious pour les intimes) était prêtre, avait demandé à Serge - mais en vain - de lui peindre un portrait du pauvre curé d'Ars auquel elle portait une dévotion des plus ardentes. Qui sait, peut-être fût-ce le saint lui-même qui, exécrant le culte de la personnalité - on sait pertinemment qu'il ne désignait jamais autrement ses portraits et diverses représentations que par le terme, unique, de "carnaval" - lui en coupa pour cette raison les moyens, inspiration comprise ! 

Photo neige avec Duvillaret Mathilde et LouisÀ voir ce magnifique paysage de neige haut-savoyard, je me demande encore une fois - la dernière ! - quelle mouche avait bien pu piquer Serge pour qu'à l'époque il ne s'y attaque pas même une seule fois en sa peinture où pas le moindre flocon blanc alors ne volette ! 

Comme on le sait, ou pas, il avait pour s'expliquer là-dessus coutume de dire qu'en haute-Savoie la neige ne l'avait jamais tenté dans son art parce qu'il la trouvait trop théâtrale à son goût et trop dure d'aspect. Pour ma part, je persiste à penser et à croire qu'il ne possédait pas encore les moyens techniques adéquats, je veux dire le secours nécessaire d'un métier de peintre à la hauteur pour ce genre de sujet périlleux - peindre la neige n'est pas facile - et que, ne voulant pas consciemment se l'avouer, donc ne pas pouvoir être en mesure de le reconnaître ouvertement, il justifiait la chose autour de lui de cette autre manière, tout en y croyant bien sûr lui-même le plus, dur comme fer !

Mais, en tout état de fait et de cause, on peut penser que la fréquentation, la contemplation et la pratique photographique de la neige recouvrant si souvent sous son regard pourtant émerveillé le paysage haut-savoyard ne furent pas choses vaines ni perdues et lui servirent certainement dans son art bien des années plus tard quand il se mit à la peindre, avec une grande poésie bien à lui, rien qu'à lui, quelques années après être arrivé à Montjustin. Il me semble bien, en effet, que sa première Neige date de 1961, mais cela reste encore à être vérifié. Les êtres sensibles que sont les artistes s'imprègnent parfois longtemps à l'avance, haut en amont, avant de pouvoir s'exprimer avec assurance sur un nouveau sujet ou sur un nouveau thème par leur propre moyen de prédilection.

En tout cas, il est à remarquer que les nombreuses particularités inhérentes à la neige vont bien dans le sens de celles de la peinture de Serge, s'y accordent parfaitement puisque l'une et l'autre passent sous silence - c'est le cas de le dire - certaines choses pour mieux en faire émerger ou éclore d'autres plus essentielles par nature, plus profondes parce qu'universelles.

Par dessus tout, elles ont, par exemple, en commun et en partage, d'être chacune une réserve précieuse - ô combien salutaire quand nous y puisons - d'un même haut silence, impressionnant jusqu'à l'âme, dont nous nous trouvons cruellement en manque aujourd'hui sur la planète entière. Page 257 d'Habemus Fiorio !, je relate que, tel soir, voyant Serge accoudé à sa fenêtre face à la nuit tombante, il me vint tout simplement à l'esprit de lui demander : « Qu'est-ce que tu guettes ainsi le soir à ta fenêtre ?

- Je ne guette pas, j'observe !

- Tu observes quoi, par exemple ?

- Avant tout, j'observe le silence ! »

Et de pareils moments fertiles, sa peinture était bien sans nul doute, par la suite, la première à profiter car je crois ferme que derrière le jeu de mot facile, il fallait entendre là, venant de sa part, l'expression d'une vérité bien "concrète" quoique livrée à demi-mot. 

 

PS : bien à propos, Gérard Allibert nous fait parvenir ces quelques vers du grand Victor Hugo :

Le silence du soir

Tout est noir,

La nuit obscure fait toute chose pareille,

Le ciel verse un repos immense; pour l'oreille

Tout bruit a cessé. L'âme entend en ce moment

Une foule de voix sortir confusément

De cette ombre en disant des choses inconnues.

Il semble que les eaux, les plaines et les nues

Sont pleines de secrets qu'elles vont révéler,

Et dès que tout se tait, tout commence à parler.

Victor Hugo  (Tas de pierres)

Et, pour faire bonne mesure, quelques mots bien amicaux de cet autre poète qu'est Jacques Ibanès :

« Quelle belle œuvre que cette recherche du temps vécu à laquelle tu nous fais participer ! C’est l’un de mes grands plaisirs du matin que celui d’ouvrir ton blog et d’y puiser tant de fraîcheur d’âme. C’est sûr que le Serge savait bien observer le silence car on l’entend, si j’ose dire, dans la plupart de ses tableaux et c’est assourdissant. Un silence habité comme je les aime, quand je marche dans les solitudes. Le silence, il faut aller le chercher et on le trouve encore de par le monde. »

 

 

 

 

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Commentaires
C
Superbe photo, quel talent de photographe!<br /> <br /> Poème merveilleux, quel régal.<br /> <br /> Nous , nous régalons les gens avec nos pâtisseries. Serge nous nourrit de ses couleurs , de ses ambiances,et, comme le dit si bien Monsieur Ibanes, de son silence. Blog superbe et enrichissant.
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