Serge au jardin. 1954.

   Arrivé à Montjustin en 1947, y voici Serge en 1954. Il a quarante-trois ans. Les Fiorio viennent de bénéficier des avantages d'un viager consenti en bonne et due forme par monsieur et madame Roure, le dernier couple de paysans ayant encore habité intra-muros. Ce qui leur permet, entre autres entreprises désormais possibles, de mettre aussitôt en culture un grand morceau de jardin dans un creux fertile en bas du village, là où par bonheur, depuis toujours, chante une petite source alimentant la surverse d'un bassin rustique au possible.

Jardinier dans l'âme, cette activité est pour Serge autant un sport qu'une forme de méditation active, une détente fructueuse, salutaire pour le corps et l'esprit, qui le relie au plus près aux saisons tout en étant une source d'inspiration non négligeable, et même tout à fait précieuse, pour sa peinture. Sans bien sûr oublier l'aide secourable apportée - c'est le cas de le dire - à faire " bouillir la marmite " !

Le jardin est, au fond, pour Serge une autre sorte d'atelier, celui-là à ciel ouvert, où il aime s'engager là aussi corps et âme, y frottant sans ménagements à la dure réalité son éternel besoin d'abondance et de paradis en y tentant aussi de nombreuses expériences. Parfois fort originales comme ce fut le cas, concluantes, pendant la guerre, à la ferme du Vallon dans le Tarn-et-Garonne. Celles-là menées selon les théories de l'agriculture pasteurienne prônée par le savant Maurice Aragou (et non Louis comme je l'ai parfois écrit).

Les grands-parents maternels, déjà, étaient jardiniers tous les deux, ensemble, aux alentours de Turin, dans des maisons bourgeoises puis, finalement et avec bonheur, à leur propre compte. Ce sont essentiellement des fleurs que les Patéri destinent alors à la vente, les transportant eux-mêmes à la ville sur une petite charette; les récoltes du potager étant entièrement réservées, elles, à leur consommation courante.  Maria, la mère de Serge, hérita de cette vive passion de ses parents pour les plantes et la transmit à son tour avec succès à ses enfants.

Tout au long de leur vie, les Fiorio jardineront donc, cultivant pour se nourrir sainement et pour le plaisir de frayer intimément avec le monde végétal, faire quotidiennement amitié avec lui dans leur art de vivre qui s'en trouve ainsi encore mieux et plus sûrement ponctué par chacun des rythmes spécifiques à chacune des quatre saisons. Quatre saisons elles-mêmes alliées et solidaires du déroulement de leur vie campagnarde pour en réaliser la profonde et féconde unité.

Le pied de carde orchestrant le plus connu des Quatre saisons. Détail.

C'est sous le règne d'un pied de carde, majestueux en premier plan, intemporel malgré ses fleurs, que le peintre organise la composition de son plus célèbre Quatre saisons en lequel, ainsi présentées peintes toutes les quatre sous un même ciel, elles forment un unique et immémorial jardin, idéal. 

Le Bouquet Fiorio le plus intéresant que je connaisse. (Dans l'attente, cependant, d'une meilleure photo...)

Quant aux fleurs, aux Bouquet de fleurs plus précisément, on ne peut pourtant pas dire que Serge y excellait. Il devait s'en rendre compte puisqu'il n'en peignit finalement que quelques-uns, rares, et sur commande insistante uniquement ! Par contre, seulement placés sous forme de détail dans les Intérieurs, ils remplissaient chacun bien leur office pour - sous couvert d'égayer la toile - contredire une attente qui, sans cette heureuse présence, pourrait y être inquiétude ou même solitude métaphysique.

Nous reparlerons bien sûr de tout cela, au fil du blog.