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Serge Fiorio - 1911-2011.
Serge Fiorio - 1911-2011.
  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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Serge Fiorio - 1911-2011.
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24 octobre 2015

Serge, printemps 56.

   Connaissant les lieux, cette photo tirée du numéro 47 de Marseille Provence Magazine, juillet-août 1956, m'a d'abord fait penser et écrire (malgré l'estivale date de parution) que Serge a ici visiblement déserté son atelier sous les toits trop difficile à chauffer en l'hiver 56. Il faut se remémorer qu'effectivement la température extérieure est, pendant un mois, descendue autour de moins vingt pendant des semaines, dès fin janvier, que les œufs gelaient dans les poulaillers, et qu'à la fin de l'épisode cinq millions d'oliviers étaient, en Provence, découverts morts sur pied.

Photo Serge début 50

Et alors, continuant sur ma lancée, j'écrivais encore : le peintre s'est installé plus au chaud qu'à l'étage, dans la salle-à-manger où flambe sans aucun doute le feu de la cheminée. N'abandonnant pas l'ouvrage, debout devant son chevalet, emmitouflé dans une vieille robe de chambre, il construit un Manège sous le regard attentif du portrait de sa mère. Sur la droite, sans cadre, parmi des papiers, on voit un tableau sur lequel se devine un homme assis en tailleur à même le sol en train de frapper la lame de sa faux.

Or, depuis peu, ce tableau je le connais et je sais qu'il est daté du 11.8.1956, ce qui démentit tout ce que je venais de déduire de la photo prise, donc, des mois après l'hiver si rude ! Aussi, à l'avenir, je vais me méfier des robes de chambre, car elles sont donc chronologiquement trompeuses. Et, plus spécifiquement encore, je vais me méfier d'abord et davantage encore de moi-même dans l'interprétation de certaines photos !

N'empêche, comme on le voit, un modeste petit coin de salle-à-manger suffisait ainsi à Serge pour poursuivre une œuvre pourtant magistrale. Pour preuve, il a ici poussé la machine à coudre familiale (recouverte d'une pièce d'étoffe) contre le mur pour faire un peu de place à son chevalet. Pas d'espace considérable alentour, encore moins de grandes verrières impressionnantes d'atelier d'artiste en foutant plein la vue, suggérant en outre, d'entrée, un talent correspondant. Ici, l'artiste au travail est au contraire en un lieu à mesure tout à fait humaine, de plain-pied avec la vie domestique, le prosaïque, le quotidien; tout comme, en interne, l'est aussi son art et tout son merveilleux : sincérité profonde qui dit toute la vérité de cette peinture, et la nimbe d'humanité. Unité de lieu, de temps et d'action, pas de décalage entre la vie et l'œuvre, l'une important beaucoup dans la qualité de l'autre et dans sa dynamique.

On pense à la façon de faire des artisans aujourd'hui d'autrefois, à ces innombrables petites boutiques-ateliers dans lesquelles avec soin et une attention redoublée, aussi bien à la ville comme à la campagne, le travail ou la réparation s'accomplissait par l'exercice d'un métier sûr, expert, sans cesse ajusté, à la hauteur de la tâche. On pense aux moines enlumineurs aussi, obéissants à leur goût du détail, à leur sainte patience dans l'accomplissement minutieux de leur tâche faite pour traverser le temps. On pense, encore, à l'impeccable travail des peintres d'icônes.

Mais, quoi qu'il en soit, au bout du compte, pourquoi Serge peint-il donc dans la salle-à-manger puisque ce n'est pas le froid qui l'y contraint ? La raison en est simple : en 56, la maison est construite, habitable, sauf qu'à cette date l'atelier à l'étage est la seule pièce dont l'aménagement, bien que sur le point de l'être, n'est pas encore terminé. Et ce que j'ai pris pour une chaude robe de chambre n'est peut-être bien qu'une blouse légère portée uniquement pendant le temps de travail du peintre pour ne pas maculer de couleur les vêtements de tous les jours.

Bientôt, installé dans l'atelier, Serge isolera son chevalet du reste de la pièce en y clouant au dos un grand carton déplié servant de paravent rudimentaire mais dans le cas bien suffisant; ce qui, du coup, constituait en fait une sorte de cellule...ouverte dont il avait besoin pour peindre. Il n'y avait qu'un pas de recul possible mais, ne peignant pas souvent de très grands formats, habituellement ce pas lui suffisait. Au besoin, il arrivait qu'il pousse et fasse ainsi rouler son chevalet un peu plus loin, il est vrai, vers le milieu de la pièce. Parfois, surtout pour ces derniers l'on s'en doute - les grands formats - il installait cependant l'œuvre en cours, ou terminée, sur le petit divan ou au-dessus, sur l'un des deux seuls pans de mur blanc restants dans l'atelier pour l'y considérer et l'apprécier plus à son aise, jouir tout son soûl de toutes ses belles qualités et en soupeser surtout les éventuels défauts qu'il traquait du regard sans aucune pitié pour les réduire et, si possible, les abolir entièrement avant qu'une autre toile surgisse en lui, pressante, cavalière. 

 

 

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