Sur une photo ratée.

   Ratée, il va sans dire, cette photographie de tableau reste toutefois très intéressante en tant que témoignage parlant involontaire : constituée non seulement de la superposition de deux images, mais de leur fusion - ou leur fonte - par endroits, l'une dans l'autre; elle dit beaucoup, démontrant de visu combien parfois deux toiles sont de même veine, bâties selon les mêmes lois et dans l'expression d'un même esprit dont le peintre est - autant par la sûreté de métier que par ses hautes capacités de médium à incorporation - à la fois le dépositaire et le passeur, l'accoucheur, l'exécutant désigné indispensable. 

Effectivement, ce document nous révèle un peu, d'ordinaire voilée, sinon invisible, la trame de l'œuvre, certaines possibilités cachées de cette dernière, sa capacité éventuelle de transformation et d'adaptation au sein d'une géométrie dans l'espace interne, mouvante, bien à elle ; ce qui, par conséquent, la rend infiniment libre et féconde, surtout dans les Paysages. Alchimiste à sa façon, rêveur de couleurs et de formes, Serge s'inspirait parfois d'un tableau pour en peindre un autre, pourtant alors tout différent, évoluant sur une autre trajectoire.

J'ai l'impression que ce que nous voyons là, arrêté, fixé sur cette photo étrange, ravissante, est du même ordre de ce que Serge, lui, vivait intensément quand, dessinant, rêvant et peignant tout à la fois, il mettait doucement en route sa toute nouvelle toile, obéissant, se laissant volontiers guidé par ce que - par méconnaissance - on appelle trop maladroitement le hasard : un simple coup de gomme ouvrant soudain une vallée, un trait involontaire donnant naissance à un nuage ensuite très vite foisonnant, etc. Sans chercher à faire volontairement émerger quoi que ce soit de bien défini, même une fois aux prises avec la couleur : expérimentation avant tout créatrice. C'était là l'une de ses façons de se laisser aller à l'inspiration et de faire ainsi accéder sa peinture à un réel renouvellement, parce que venu des profondeurs et intuitivement reconnu tel, sans filtres ni masques intellectuels. Seuls les canons de la beauté selon son cœur pouvaient, au cas où, prétendre à en modifier un peu la musique.

Collines fantômes, clochers fantômes prenant corps, ciels à double fond, lignes prenant de l'ascendant sur d'autres s'évanouissant, elles, par elles-mêmes, perdant leur force; une forme en appelant une autre, suggestions de toutes sortes, mystère ambiant, trouvailles... Mouvante comme les dunes du désert, la création artistique en marche est aussi cette façon inoffensive de se laisser mener par le bout du nez - à condition cependant d'avoir du flair ! Mais, dans le cas de Serge, c'est bien plus encore : bon chien chasse de race.

De notre amie Michèle Ducheny :

 Bonjour à tous,

 Un petit message collectif pour vous informer que la sixième (!) version de Giono et les peintres est en ligne, toujours accessible sous ce nom, via Google par exemple.

Un peu plus de pages, nettement moins de "poids", ce qui facilitera sans doute le téléchargement... Pour ce qui est des nouveautés cette année, essentiellement les chapitres consacrés à Pierre Parsus et Gracieuse Christof, suite à la rencontre-lecture du 6 août dernier à Manosque. D'autres chapitres ont été complétés, dont celui consacré à Serge Fiorio, et il y a quelques nouveaux noms, celui de Colette Millet par exemple...

Bien amicalement.

 Giono et les peintres