Autour d'une photo de Robert Doisneau.

18 septembre 2015

Ici une (mise en*) scène d'intérieur bien pacifique photographiée à La Pégasière de Lucienne Desnoues et Jean Mogin. Émile Fiorio, le pépé à grande barbe blanche de patriarche - qu'il était - joue là, comme au théâtre, avec son petit-fils Daniel, le fils d'Aldo et Jeanine, au berger qui raconte, captivant toute l'attention de l'enfant. L'agneau, l'innocence même - supérieure ! - semblant bien s'abreuver lui aussi à la même source.

* Tout comme celle-ci, maintes photos de Robert Doisneau sont de pures fabrications selon le besoin du sujet. Ici, pour un reportage de commande sur les troupeaux de moutons et ce qui s'y rapporte. Façon de faire qu'exécrait et ne pratiquait donc jamais, Henri Cartier-Bresson, dit l'œil du siècle et cependant photographe - selon ses propres mots - de l'instant décisif !

Un grand feu clair flambe dans la belle cheminée médiévale qu'avait dressée Aldo de ses mains de maçon avec des pierres de taille provenant de l'église du village tombée en ruine. Bougies et lampe à pétrole ont été allumées pour l'occasion afin de donner, par contraste, un relief de la plus belle qualité photographique à l'habituel dénuement rustique de la pièce, ainsi que pour rendre plus sensibles les présences de l'agneau et des deux personnages. Derrière le jeune Daniel, sortant du mur, on distingue un banal - mais bien quelque peu insolite ici - robinet par où l'eau arrive dans la grange, depuis peu encore, devenue maison. Robinet posé au-dessus d'un rude évier taillé à l'ancienne dans de la pierre vive. C'est la transformation extraordinaire qu'opère cette plus que modeste installation domestique que Lucienne valorise, célèbre et, l'auréolant de sacré, porte finalement aux nues en son poème Entrée de l'eau publié dans le recueil La Fraîche qui parut chez Gallimard en 1958.