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Serge Fiorio - 1911-2011.
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  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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31 mars 2015

Images d'Eugène Martel par son ami Maxime Girieud.

 IMAGES D’EUGÈNE MARTEL, 1954.

   Je garde plusieurs images d’Eugène Martel dans ma mémoire; il était d’une nature riche, contrastée, mystérieuse. Pour ne pas m’égarer, je veux me guider seulement sur les deux photographies que j’avais de lui et qui figurent à cette exposition (*).

La plus récente, où on le voit debout près de Giono bourrant sa pipe, date des alentours de 1935. Elle le montre, autant que l’on peut en juger sous l’ombre du feutre, détendu, souriant, prêt à plaisanter peut-être de cette voix grave un peu caverneuse que se rappellent bien ses amis; je l’entends encore commentant avec une verve faussement scandalisée l’aspect extravagant de certains pensionnaires de l’aquarium, un jour que nous étions à Monaco.

 Martel et Giono 1935

Photo X, droits réservés.

C’était là le Martel des bons jours, ou seulement, hélas! des bonnes heures.

Il y en avait un autre, comme on le pense bien, et c’est celui-là qui paraît sur la seconde photographie, son portrait par lui-même en 1920, assis et le corps légèrement affaissé.

Autoportrait de Martel

Photo : L'Oeil et la Mémoire, Villeneuve-les-Avignon.

Il avait quinze ans de moins ici, mais pour la connaissance de cette âme la chronologie importe peu, et la mélancolie que mentionne la dédicace « à Maxime Girieud, ce reflet de ma mélancolie », au dire de ceux qui l’ont connu tout jeune, a été sa compagne de toujours. Simon Bussy, son vieil ami et camarade de l’atelier Moreau, me disait qu’à ce moment déjà, il restait abîmé des heures, la tête dans ses mains devant leur petit feu de garçons.

Je dois noter en passant la grande place que le feu a tenue dans son existence, soit qu’il s’acharnât à fixer sur la toile le reflet fugitif d’une braise sur le bleu froid d’un trépied, soit que, dans son petit salon de travail du Revest, il s’employât, vieil homme célibataire, économe et frileux, à disposer les bûches avec la même patience et le même souci d’art.

Sur cette mélancolie que le portrait reflète, encore convient-il de distinguer: l’œil droit, dans la lumière, regarde sans appuyer, avec une douceur presque interrogative, une pureté touchante chez un quinquagénaire; le gauche, dans l’ombre, semble appartenir à un autre homme, c’est l’œil noir d’un juge, juge de soi-même autant que des autres.

C’est ce Martel qui, lorsque vous versiez dans l’erreur ou l’exagération, se découvrait soudain, à moins que sa délicatesse ne lui fît préférer l’allusion à retardement, laissant tomber un mot qu’il ne vous restait plus qu’à méditer, dans la confusion, bien que sans amertume.

C’est là ce Martel aussi, sans doute, qui regardait face à face une dure, une énigmatique destinée. Je laisse à d’autres, plus perspicaces, le soin de s’exercer sur cette énigme, d’éclairer un peu le drame de cette vie d’artiste. Je ne peux qu’apporter ici un témoignage de la grandeur de ce drame, de la profondeur de ce tourment. Devant le dernier et terrible portrait qu’il a fait de lui-même à 70 ans, terrible, car sous la peau du visage on voit transparaître déjà et prendre date la tête de mort, devant ce portrait sur lequel il a consumé ce qui lui restait de forces, il nous disait, parlant au propre autant qu’au figuré: « Ce portrait me tue ». Soit, le portrait l’a tué peut-être, mais même si Martel n’avait rien fait d’autre, son nom ne mourrait pas. (**)

Maxime Girieud.

PS : Il faut tout de suite préciser trois choses : tout d'abord que nous devons ce texte - jusque-là inédit - à la bienveillance et à l'amabilité de Madame Élisabeth Juan-Mazel, arrière-petite-nièce d'Eugène Martel, à qui nous devons également les notes qui suivent. 

La seconde est que Maxime Girieud était professeur de lettres et écrivain. Un peu plus âgé que Giono, il sera pour lui de bon conseil dans son apprentissage d'écrivain. Reconnaissant, Giono dédie ainsi Un de Baumugnes À l'amitié de Lucien Jacques et de Maxime Girieud.

Troisièmement : c'est Maxime Girieud et le peintre Simon Bussy qui incitèrent Martel à rencontrer Giono. 

André Lombard

 

Notes sur le texte :

(*) Ce texte était destiné à accompagner deux photographies qui devaient figurer dans une exposition sur Eugène Martel organisée par Pierre Martel et son association Alpes de Lumière dans le cadre de semaines culturelles du Revest-du-Bion, en 1955. Cette manifestation fut annulée au dernier moment, mais ce projet avait permis la collecte d’une importante documentation, pour l’essentiel reprise dans le livre de Geneviève Coulomb et Pierre Martel, « Eugène Martel (1869-1947), redécouverte d’un peintre moderne », Les Alpes de Lumière, 1991.

Dans un premier temps, Maxime Girieud avait fait passer son « papier » à Paul Bourdin, « pour avoir son avis non pas sur son intérêt littéraire mais sur le point de savoir si Martel vivant eût admis qu’on révélât certains aspects plus ou moins secrets. » Il faut dire que Paul Bourdin, maire d'Apt et écrivain, était l'ami commun de Girieud et de Martel et qu'il avait été à l'origine de leur rencontre, en février 1923, lors d'une journée mémorable à Monaco.

Par la suite, en janvier 1959, il envoya « sa préparation destinée à l’Abbé Martel » à Lucien Jacques, afin qu’il puisse en utiliser des éléments s’il voulait écrire quelque chose sur Martel. Pour fixer ses souvenirs, il en garda un brouillon annoté que sa veuve Marie Girieud confia, en 1972, à Charles Martel, neveu du peintre.

Ce texte, resté inédit, est donc diffusé aujourd'hui...plus de 60 ans après sa rédaction !

(**) Malgré ses efforts, Girieud n’était pas parvenu à amener son texte au point souhaité. « J’aurais voulu dans une seule phrase qui m’eût amené à citer une parole de Martel sur la place que tenaient les rêves dans sa vie (comme pour les prisonniers qui attendent la nuit) « quelle chose riche, le sommeil ! », faire tenir quelque chose sur la dureté et l’énigme de cette destinée…Je me suis battu des heures avec des mots et d’autres, essayant tous les tours possibles…Avec Martel, j‘étais loin du ton voulu.»

Il parvint, néanmoins, avec ces « Images d’Eugène Martel », à nous livrer une étude très émouvante de l’homme et de son œuvre.

Élisabeth Juan-Mazel  

 

Voici un autre émouvant témoignage d'amitié, cette fois-ci de Lucien Jacques, dans une dédicace à Martel de ses Carnets de moleskine. Document encore une fois aimablement communiqué par Madame Élisabeth Juan-Mazel. 

Dédicace Lucien Jacques à Martel

Pour mémoire : c'est le 3 septembre 1939 que la France - après l'Angleterre - a déclaré la guerre à l'Allemagne qui vient d'attaquer la Pologne. D'où la mobilisation générale...à laquelle, hélas, se trouve soudain confronté le pacifisme de Giono et des Contadouriens. La dédicace étant datée de seulement deux jours plus tard et apposée, de plus, précisément sur - journal de guerre - les Carnets de moleskine, elle en résonne d'autant plus fort et très profondément. Elle dit aussi l'amitié, intacte, pour celui qui n'est plus à sa table.

*

De quoi lire :

Eugène Martel sur le départ

Eugène Martel, lettre du 21 mars 1942.

Eugène Martel. Un petit clin d'œil.
Martel. Les pinceaux brisés.
Eugène Martel et le portrait de l'oncle Fortuné.
Le premier Giono a bien plus qu'un accent, et alors ?
Eugène Martel.(2) Une autre page de Marthe Savon-Peirron.

Eugène Martel. Chapitre VIII de Pour saluer Fiorio. 

Martel et Bussy. Autour de deux portraits de Raoul Martin enfant.
Eugène Martel peint par son ami Simon Bussy.
Eugène Martel et Simon Bussy au Contadour.
Texte de Serge sur Eugène Martel.

Un autre témoignage de Serge concernant Eugène Martel.
Une lettre d'Eugène Martel.

Eugène Martel.
Présentation de Serge Fiorio et de sa peinture par Eugène Martel.1942.
Images d'Eugène Martel par son ami Maxime Girieud.
Giono au secours de Martel. 

 Eugène Martel (1869-1947). Redécouverte d'un peintre moderne.
(Bien que  décédé en 1947, je ne vois pas Martel comme un peintre moderne. S'il est un classique, c'est bien lui.)

Giono et les peintres, site de Michèle Ducheny.

*

 

 Avete !   

Une association d’écrivains transmet ce lien avec une pétition pour la défense des langues anciennes.   

Défendre le latin et le grec est aussi défendre notre langue, c'est pourquoi nous vous communiquons cette pétition contre ce qui menace leur enseignement.   

Valete !   

http://www.change.org/p/madame-la-ministre-de-l-%C3%A9ducation-nationale-de-l-enseignement-sup%C3%A9rieur-et-de-la-recherche-r%C3%A9forme-du-coll%C3%A8ge-non-%C3%A0-la-fin-des-langues-anciennes

 

 

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