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Serge Fiorio - 1911-2011.
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  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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Serge Fiorio - 1911-2011.
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24 décembre 2014

Bon et joyeux Noël !

   Ayant sans doute hérité cette tradition de Norge, son beau-père, qui avait coutume d'écrire chaque année un Noël en vers qu'il adressait encore tout chaud à ses proches et à ses amis pour fêter et marquer poétiquement la fin de l'année, Lucienne Desnoues avait pris le relais.

Nous eûmes droit au Noël de la bûche, à celui de la maison neuve, du rouge-gorge, etc. Autant dire aux divers sujets d'un véritable florilège, chacun propre à nous escorter spirituellement tandis que nous nous rassemblons un moment avant que de sauter le pas ou de nous laisser emporter pour passer encore une fois d'une année à l'autre.

Noël de Lucienne 1Clic gauche sur le texte pour une meilleure lecture.

Noël de Lucienne 2

C'est très tôt dans son œuvre — à partir de 1933, dans le sillage de La Famille ouvrièrequi est sa Nativité princeps, bien que laïque — que Serge se met, lui, à peindre des Nativités et, par la suite, ne cessera jamais de le faire, n'arrivant pas, bien sûr, pas plus que Lucienne et Norge pour leurs Noëls, à en épuiser le thème !

Par contre, contrairement à nos deux poètes, le peintre n'attendait pas l'air du temps de l'Avent pour aborder le sujet et se mettre à l'ouvrage. Déjà, les Moissons étaient peintes parfois en décembre ou en janvier, les Neiges mises en chantier de préférence au plus chaud de l'été ; les Nativités, quant à elles, pouvaient avoir n'importe quand les honneurs du chevalet et voir ainsi indifféremment le jour dans son atelier tout au long de l'année.

Nativité HPhoto Dédé

En la Nativité se boucle sur lui-même le parcours plein et entier, accompli, de l'initiation chrétienne : naître et réussir à redevenir enfant, en esprit, par révolution intérieure.

Puer aeternus, purifié suprême cher aussi à toute la somme des alchimistes !  

Autant qu'historique — cela peut paraître si loin — l'événement est bien évidemment d'ordre spirituel, but intime, enfoui en chacun sous bien d'autres latitudes, sous bien d'autres formes, dans d'autres civilisations, dans d'autres cultures, preuve de l'universalité foncière et ontologique de ses racines.

« Dieu n'existe pas, il EST » aimait à dire et à répéter Lanza del Vasto. Mais son Fils naît, lui, à Bethléem, invitant à renaître nous aussi.

Vaste sujet que Serge fait sien bien facilement, nous faisant assister à l'événement jusque dans ses moindres détails — ajoutant ainsi, comme à son habitude, sa petite histoire à la grande, l'enrichissant — avec une verve de couleurs qui en ravive aussitôt le cadre et l'ambiance, en actualise l'esprit ; le tout assorti d'un vrai bonheur de peindre, entier, ici toujours égal. Les personnages y sont campés sans dépareiller en rien avec les autres dans le monde de sa peinture, ce par quoi il nous les rend encore plus proches et familiers, humains et simples au possible, comme s'il les avaient connus personnellement dans son entourage. Nous sommes loin, très loin, à l'opposé de l'angélomanie d'un Botticelli ! dont Giono, se trompant dans son conseil, souhaitait par ailleurs que Serge intègre les leçons de grâce et de souplesse...

Ayant commencé à écrire ce billet sous les auspices de la poésie de Lucienne, il m'est bon de le clore de même, et cela par un souvenir personnel sans pour autant, on va le voir, quitter le moins du monde le domaine de la peinture, ni Noël !

Vers la fin de l'année 2002, 2003 peut-être, Lucienne avait fait appel à moi pour peindre les plafonds mis à neuf de La Pégasière après qu'elle en eut confié la réfection de la toiture à un maçon. Un matin, sur les neuf heures, je la vis arriver vers moi avec, pour me l'offrir comme d'habitude, sa traditionnelle tasse de café fumant tenue à deux mains. 

Ce qui me frappa tout de suite c'est que cette fois elle avait l'air profondément triste. Et je m'en ouvris à elle qui ne me cacha pas qu'effectivement...elle n'arrivait plus à écrire : « La source est maintenant bel et bien tarie, me dit-elle. Depuis des jours et des jours, je cherche à écrire mon Noël de cette année et aucun sujet ne me parle, tu te rends compte ! Moi qui, jusque-là, enfourchais si facilement Pégase pour un rien ! Mais peut-être que si tu me donnais, toi, une idée, mes neurones pourraient en faire bon usage, sait-on jamais ! »

Je la remerciais de cette nouvelle et énième preuve d'amitié et lui suggérais sur-le-champ, puisque j'étais en train de peindre, de se mettre sans chercher plus loin à un Noël du peintre, tout simplement.

Mais il y eut quiproquo et, dans son esprit, c'est l'artiste qui eut le dessus ! Qu'importe, puisque cela lui permit d'écrire ce qui fut, hélas, le dernier de ses Noëls, l'ultime. Il disait bien, en miroir, ce qu'elle m'avait dit d'elle-même de vive voix : l'inspiration n'était plus là puisqu'à la fin le vieux peintre s'y retrouve devant une toile, non pas vierge — il me semble — mais banalement blanche, son tout récent travail y ayant été complètement effacé (par désenchantement ?) pendant un involontaire moment de somnolence dans un fauteuil installé au pied de son chevalet !

Je cherche désespérément ce poème pour le recopier ici et ne le retrouve pas, sauf la première strophe parce que je m'en suis toujours fidèlement souvenu et que voici :

 

Le grand peintre ébauchait une Nativité.

Déjà du Nouveau-Né rayonnait le visage,

D’un rose surréel suavement teinté,

Cependant qu’alentour les figurants d’usage,

Marie et son Joseph, anges, moutons, bergers,

Âne méditatif, bœuf aux cornes parfaites,

 Seulement esquissés par un crayon léger

Attendaient leurs couleurs pour être de la fête.

 

Bon et joyeux Noël  quand même !

 

PS : Février 2015. Sylvie Mogin, la fille de Lucienne, vient d'aimablement me communiquer in extenso le texte de ce Noël du peintre. Qu'elle en soit ici vivement remerciée !

Noël du peintre

Noël du peintre 2

 

 

 

 

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