La lettre d'un prêtre allemand.

Datée du 24 septembre 1962 et conservée ensuite par Serge dans ses archives, cette lettre est reproduite ici fidèlement. N'ayant pu retrouver une image de la toile dont il est question, c'est un dessin du clocher de Manosque qui, à défaut, sert ici d'illustration au texte.

PS : La draille est le chemin, la piste, qu'il y a peu encore, suivaient les troupeaux transhumants pour monter à l'estive, à l'alpage.

Monsieur,

Je viens de recevoir votre peinture La draille que vous avez eu la bonté de m'envoyer et qui arrive sain et sauf. Je vous sais gré de la réduction du prix. Vous aurez le mandat international en quelques jours.

Quelle joie pour moi d'avoir en main votre lettre aimable du 9 septembre dans laquelle vous m'avez informé de votre présent. Je vous remercie profondément de votre bienveillance cordiale de même de votre précision qui m'a intéressé beaucoup notre paysage différant du vôtre.

Permettez-moi de vous expliquer pourquoi je désirais tant avoir une de vos peintures. Ce que je ressens comme essentiel et original dans votre œuvre d'art c'est la profonde compréhension de la création de Dieu par votre âme. Vos peintures me semblent posséder la vision du monde intact de sorte que le contemplateur en est frappé et entraîné.

Il n'y arrive pas souvent à notre génération déchirée intérieurement et chassée continuellement de rencontrer une œuvre de telle qualité expressive et dynamique. C'était cette impression qui m'a saisi si profondément en contemplant vos peintures que je ressentis le vif désir de vous en demander une.

Maintenant mon désir est réalisé. Je vous assure que j'aime La draille et qu'il m'a apporté tout ce que j'en attendais. j'y ai retrouvé toutes les qualités mentionnées et en regardant ce paysage je suis enthousiasmé chaque fois de nouveau.

Une profonde paix intérieure s'étend sur le pays traversé par la piste qui conduit à la montagne resplendissante de tendresse virginale. Et au-dessus se voûte un ciel radieux. La draille : symbol de notre voie de vie humaine me semble dire que cette voie nous conduira à travers tous les ravins à la hauteur.

Je crois que c'est justement l'appel silencieux et pourtant convaincant de votre art et par cela pour prêcher des vérités décisives à l'homme de nos jours.

Moi comme prêtre, je suis heureux de posséder cette œuvre de votre main d'artiste parce qu'elle me rappelle le fait d'être votre compagne de route et en outre ele me rappelle notre devoir commun de conduire tous nos frères à la grandeur de dieu dans son règne, vous : par votre art, don de Dieu, moi par la prédication de l'Evangile et la célébration de l'Eucharistie.

Je vous fais mes remerciements du choise excellent que vous avez fait pour moi en m'envoyant La Draille. De tout mon cœur je souhaite que vous aurez toujours ce calme intérieur qui vous fait créer vos peintures qui rendent témoignage d'un monde crée par dieu et prêchent l'existence d'un Dieu personnel.

Espérant d'entendre de vous de temps en temps je me sens lié avec vous par la prière.

Votre très reconnaissant Julius Alfred Jäger, Kaplan.

 Julius Alfred Jager reçu en audience privée par Paul VI.