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Serge Fiorio - 1911-2011.
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  • Actualités de l'œuvre et biographie du peintre Serge Fiorio par André Lombard et quelques autres rédactrices ou rédacteurs, amis de l'artiste ou passionnés de l'œuvre. Le tout pimenté de tribunes libres ou de billets d'humeur.
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Serge Fiorio - 1911-2011.
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28 avril 2014

Madame Esméralda.

   C'est à l'écart de la foule, loin des flons-flons, du clinquant et du sucre d'orge de la fête foraine que Madame Esméralda la gitane extra-lucide tire les cartes, lève pour vous grâce à elles, un pan du voile qui recouvre votre passé et surtout opacifie l'image de votre avenir.

Le décor est dressé : la toile de tente à l'intérieur de laquelle elle pratique son art, sa science, ressemble à celles de l'armée romaine en campagne tandis que le peintre la fait elle-même se tenir dans une attitude proche parente de celle des Sphinx égyptiens. Elle est cependant assise dans un fauteuil dont les bras, en se croisant avec les siens, forment de chaque côté une croix en X.

Devant elle, sur une table basse recouverte d'une nappe de tissu de couleur uniforme, s'étalent les cartes, en arc de cercle, révélant un as de carreau « du tonnerre ! » ou  « de toute beauté ! » tandis qu'en ses mains jointes formant corbeille d'autres révélations sont encore en réserve. Dans Le Tricheur à l'as de carreau de Georges de La Tour, cette même carte, le tricheur la tient à l'abri du regard des autres joueurs, dissimulée dans son dos. Elle est au contraire mise ici bien en évidence : façon de dire, par peinture interposée, que Madame Esméralda, elle, ne triche pas, jamais ? A moins que la voyante ne l'ait pas sortie tout à fait au hasard en installant son jeu : étant par tradition de fort bonne augure, cet as là est, comme un talisman, apte à lui attirer des clients, dont un semble d'ailleurs déjà vouloir se précipiter vers elle, aimanté par sa présence, mais également retenu au bras par la main de sa prudente ou trop peureuse compagne qui sans doute le connaît bien : chez certaines personnes — surtout chez les femmes, cependant — la soif de savoir dans ce domaine est un feu ardent qui les dévore, insatiable, pareillement tragique à celui du jeu. 

Tireuse de cartes

La photo est de Robert Doisneau.

La coiffure en deux pans de la gitane rappelle et répète la devanture de sa théâtrale boutique. Le personnage en emplissant tout l'espace, cela donne un petit jeu de perspective pas désagréable auquel participe encore les deux pans de toit visibles de la toile du stand.

Le cours de la vie n'est-il pas lui-même à deux versants ?

La photo de l'œuvre (peinte sur isorel) observée à la loupe, révèle, à peine visible, un as de pique, ou plutôt de cœur, renversé, la pointe en l'air, porté sur un pied et posé comme un ostensoir au sommet de la coiffure de la voyante. Peut-être est-ce là un repentir du peintre, mal effacé, mais qui ajoute quand même à l'ensemble, comme sans le vouloir, en filigrane, sa pointe de mystère !

Assis, lui, en plein air sur l'escalier d'accès à sa roulotte garée à l'arrière plan, le père, le mari ou l'oncle d'Esméralda attend tranquillement, les bras croisés sur l'apparente bonhommie de sa personne, que le temps passe. Le personnage de premier plan tout de suite à droite arborant un tablier de cuisinière semble faire partie de la population foraine, assez proche et familière de la voyante pour se permettre de toucher sans manière et surtout sans crainte superstitieuse à la toile du stand. Peut-être cette femme vient-elle tout simplement prévenir que le diner est prêt à être servi. Cela comme un témoignage de la cohabitation, naturelle chez ces gens du voyage, du domestique le plus ordinaire, de plain-pied ici avec une forme — alimentaire quand même ! — du sacré dans le jeu de la vie quotidenne.

C'est la mère du peintre qui, un jour où il était à la recherche d'un nouveau sujet, lui avait spontanément suggéré : « Et si tu peignais une tireuse de cartes ! » Avec bonheur, plusieurs suivirent.

 

Traduction de notre ami Agostino Forte :

Madame Esmeralda

Discosta dalla folla, defilata dai motivetti delle fanfare, dalle chiassate e dallo zucchero d’orzo dei baracconi la gitana chiaroveggente Madame Esmeralda fa le carte, scostando con esse un lembo del velo che occulta il vostro passato e rende opaca l’immagine del vostro avvenire.

La scena è pronta: la tenda assomiglia a quelle usate dall’esercito romano durante le guerre, all’interno Esmeralda pratica la sua arte, la sua scienza mentre il pittore la ritrae in un atteggiamento molto prossimo a una Sfinge egiziana, accomodata in una poltrona i cui braccioli, incrociandosi alle sue braccia, formano da entrambi i lati una croce a X.

Davanti a lei, su un tavolo basso ricoperto da una tovaglia di colore uniforme, sono disposte le carte a semicerchio che scoprono un asso di quadri - « fantastico ! » o « stupendo ! » ci sembra quasi di sentirle dire - mentre nelle sue mani giunte, a formare come un cestino, si riservano altre sorprese. Ne Le Tricheur à l'as de carreau (Il baro dell’asso di quadri) di Georges de La Tour, è questa stessa carta che il baro tiene nascosta agli occhi degli altri giocatori, dissimulata dietro la schiena.

 

Le Tricheur à l'as de carreau di Georges de La Tour

Ma nel nostro caso, al contrario, essa è messa ben in evidenza: quasi a dire, per interposta pittura, che Madame Esmeralda non bara mai? A meno che la veggente non l’abbia assolutamente tratta per puro caso intavolando il suo gioco. Essendo per tradizione di ottimo auspicio questo asso, al pari di un talismano, è propizio ad attirarle dei clienti come quello che sembra già volersi precipitare verso di lei, calamitato dalla sua presenza, ma altrettanto trattenuto per il braccio dalla mano della sua prudente o troppo timorosa compagna che senza dubbio lo conosce bene. Per alcune persone – soprattutto tra le donne, ad ogni modo – la sete di sapere è condizione di un fuoco ardente che le divora, insaziabile e tragico alla stessa stregua del gioco.

La scriminatura centrale della gitana ricorda e ripete l’entrata del suo teatrino. Il personaggio riempie tutto lo spazio dando un tocco piacevole di gioco prospettico al quale collaborano le due estremità visibili del tetto del padiglione. Il cammino della vita non ha anch’esso due versanti?

La foto del quadro (dipinto su masonite) osservato alla lente rivela, appena visibile, un asse di picche (o piuttosto di cuori) capovolto con la punta in alto, sostenuto da una base e posato come un ostensorio in cima alla capigliatura della veggente. Forse siamo in presenza di un ripensamento (mal coperto) del pittore ma che aggiunge comunque all’insieme, come senza intenzione, in filigrana, il suo pizzico di mistero.

Seduto sulla scaletta d’accesso esterna al carrozzone raffigurato sullo sfondo, a braccia conserte sull’apparente bonomia della propria persona, il padre (o il marito o lo zio) di Esmeralda attende pazientemente che il tempo passi. La figura in primo piano subito a destra, che sfoggia un grembiule da cuoca, sembra far parte della tribù dei giostrai, così familiarmente intima dell’indovina da permettersi di toccare senza tanti complimenti e soprattutto senza timor superstizioso il telo della tenda. Forse è venuta ad avvertire che la cena è pronta. Quasi a suggerire una testimonianza di coabitazione, della domesticità più ovvia, naturale in questi girovaghi, posta qui in relazione ad una sacralità dello svolgersi della vita quotidiana, quantomeno alimentare.

« E se dipingessi un’indovina! ». Questo lo spontaneo suggerimento della madre il giorno in cui il pittore era alla ricerca di un nuovo soggetto. Fu d’augurio ed altri ne seguirono.

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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